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Atelier d'Alain Zalmanski

L'établissement de listes est une activité que tout le monde pratique, mais qui a été érigé en système de pensée, de réflexion et d'écriture par les Oulipiens et par Georges Perec en particulier.

En novembre 1981, Perec a été invité dans une émission de France-Culture de Jacques Bens et Bertrand Jérôme pour établir la liste de « cinquante choses à ne pas oublier de faire avant de mourir ». Georges les énuméra en les classant depuis les choses très simples, jusqu'à des choses impossibles à réaliser car impliquant des personnages morts.

Il termina d'ailleurs sa liste par « Faire la connaissance de Vladimir Nabokov » en déclarant : « Je suis arrivé à 37 ; j'ai décidé qu'il y en aurait 37. Voilà. »

Alors pourquoi 37 et non 50 comme le titre et la contrainte l'indiquent ? De plus si l'on compte le nombre d'éléments qui constituent cette liste, on n'en trouve pas 37, comme le déclare Perec, mais 36...

Georges Perec devait mourir quelques mois plus tard, en mars 1982.

Vous pouvez retrouver cette émission sur le site de France Culture.

Il vous est proposé, sur la piste de Georges Perec, d'établir à votre tour une liste de vingt choses que vous voudriez faire avant de mourir, soit par de simples énoncés soit en utilisant pour tout ou partie de ceux-ci des contraintes de votre choix, alexandrins, lipogrammes, distiques...

Georges Perec

Choses simples :

Choses liées à des désirs plus profonds :

Choses liées à des rêves de temps et espace :

Choses que je voudrais avoir le temps de bien découvrir :

Choses liées à un bloc d'apprentissage :

Choses liées à mon travail d'écrivain (projets) :

Divers :

Choses impossibles, car impliquent des gens qui sont morts :

Judith

Présentée dans l'ordre croissant de « réalisable » à « impossible ».

* soit, en alexandrins :
Si je pouvais trouver la fontaine, ma foi,
De jouvence, yahoo ! la joie serait pour moi.

Nic

J'aim'rais manger au resto « Train bleu », gare de Lyon, Poser mon sac à dos au sortir du wagon Du TGV qui me ramène d'Avignon. J'aimerais reconstruire le puzzle de ma vie, Raccrocher les morceaux que je n'ai pas compris Remonter à rebours le coulis des envies. J'aimerais retrouver les amis qui sont morts Sans que j'aie eu le temps de leur dire au revoir, Les revoir un instant au fond du corridor. J'aimerais m'assurer que la vie continue Malgré tous les missiles, les drones et les bombes, M'assurer que la vie aura eu le dessus. J'aimerais des fous-rires et des fous-rires encore, Ceux qui ont disparu depuis des décennies, Des fous-rires, des fous-rires et des fous-rires encore ! J'aim'rais dormir encore dans ma chambre d'enfant Semée de papillons sous le toit mansardé Que les grues ont détruit à grands coups de boutoir. J'aim'rais être capable de lâcher la pudeur Pour répondre vraiment en listant ces envies Et oser affirmer ce qui me fait trop peur. J'aimerais retrouver les nuits de mes vingt ans Qui ignoraient les aubes, les heures d'insomnies, Et où je roupillais des pleins-tours de cadran. J'aimerais partager des heures avec mes filles Sans contraintes d'horaires, sans soucis de paroles, Dans le bonheur de vivre et la joie de l'instant. J'aimerais des manifs, des AG et des luttes Énormes et solidaires de gens pleins d'énergie Réveillés des torpeurs de l'ère neurasthénique. J'aimerais, oui, lâcher mes diverses phobies, La phobie du vertige et la phobie du vide, Et me lancer du ciel en saut de parachute. J'aimerais survoler le quarantième siècle Dans un scaphandrier au fond de ma capsule Et voir ce qu'auront fait les enfants de nos fils. J'aimerais, oui, goûter à des fruits inconnus, À des senteurs nouvelles jamais imaginées Sur des arbres nouveaux dans des terres tropicales. J'aimerais retrouver les rêves oubliés Leur charge d'inconscient, d'images refoulées Envolées au matin au bord de l'oreiller. Et j'aimerais me taire et cesser de parler, Ne plus avoir besoin de paroles pour vivre. J'aimerais le silence et la sérénité.

Alain

Vingt choses à faire avant de mourir
(comme elles sont venues et sans aucune contrainte)

Élisabeth

Avant de mourir j'aimerais Pouvoir faire quinze ou vingt choses Dont la trivialité me pose Des problèmes assez épais Primo je suis d'avis qu'il faut Faire un testament chez notaire Pour partager l'héréditaire En quelques (très) petits morceaux Deuzio il faudrait que je lise Les bouquins que je n'ai pas lus Mais avant que je finalise Leur liste j'aurai disparu Je voudrais aller au Japon En Australie et en Islande Pourquoi faut-il (la vie est con) Que ma bourse me le défende ? Je voudrais publier un livre Intéresser un éditeur Mais ils n'ont pas de savoir-vivre, Ces gens-là, ils n'ont pas de cœur. Il faudrait qu'au loto je gagne Quelques millions ou un milliard Que je fêterai au champagne Et distribuerai avec art Je voudrais apprendre des langues Comme l'arabe ou le chinois En grec je ferais des harangues Et j'épaterais le bourgeois Avant de mourir il faudrait Travailler ma dernière phrase Qui très célèbre me rendrait : On se souviendrait de mon blaze ; Je voudrais rencontrer des gens Des sympas qui me feraient rire Des originaux des marrants Des lettrés avant que j'expire Je voudrais vivre en parachute Un unique saut et planer Par-dessus ce monde de brutes Pour ensuite m'y écraser Je voudrais raconter la vie De gens obscurs et inconnus Et le chemin vers la folie Qu'ils ont par leur foi parcouru Je voudrais faire un petit tour Dans mon passé en tant qu'adulte Le regarder avec amour Sans pour autant lui rendre un culte...

Cécile

Georges