Accueil
Atelier d'Élisabeth Chamontin
Je vous invite à composer des poèmes selon trois formes anciennes
construites sur deux rimes : le lai ou virelai, le rondel et le
rondeau.
Pour le Lai et le Virelai, la définition n'est pas très claire, mais
variée et pour tout dire un peu n'importe quoi. En conséquence
j'appellerai Lai et Virelai ce qu'appelle Lai et Virelai Pierre
Desfeuilles, l'auteur du Petit traité de versification
française qui sert d'introduction au Dictionnaire des
rimes Bordas, édition Garnier. C'est-à-dire que le lai,
surnommé « arbre fourchu », est un poème sur deux rimes composé de
vers de cinq et deux syllabes (ce que n'est pas du tout le lai des
lais de Marie de France). Dans le lai, on affecte aux
vers de deux syllabes une rime masculine, dans le virelai, c'est
l'inverse (à moins que ça ne soit le contraire :-) ) Le nombre de
vers n'est limité que par le temps dont nous disposons.
Pour le rondel, le modèle est bien sûr celui de Charles d'Orléans :
Le temps a laissié son manteau/ de vent de froidure et de pluye/ et
s'est vestu de brouderie/ De soleil luisant, cler et beau, etc. Soit
ABBA ABAB ABBAA sachant que les deux premiers vers de la première
strophe deviennent les deux derniers de la seconde, et que le premier
vers de la première est le dernier de la dernière. Il faut bien
choisir ses deux premiers vers en conséquence, et que le premier
puisse « fonctionner » en l'absence du second.
Pour le rondeau, c'est un poème de treize vers,
indifféremment de 8 ou 10 syllabes, même autre chose si on veut,
également sur deux rimes, et adoptant le schéma AABBA AAB AABBA sachant
que les premiers mots du poème sont répétés en refrain après le tercet et
après le dernier quintil. Pour le choix des premiers mots, penser
évidemment qu'ils vont se répéter.
Je propose de plus d'utiliser dans le (vire)lai une rime en -è, dans
le rondel des rimes en -o et -ère, et dans le rondeau des rimes en -a
et -ète.
Judith
Lai
J'aime le champagne,
Aussi la campagne,
Buvez !
Pays de cocagne,
Loin de l'Allemagne,
Trinquez !
Après la castagne,
Sacré Charlemagne,
Olé !
Traversons l'Espagne
Avec le champagne,
Topez !
Il nous accompagne
Dans toute montagne,
Flûtez !
Rondel
Le chaton lève son museau
Et l'innocence remplit l'air.
D'un pas instable de panthère,
Il sait déjà qu'il est si beau,
Que je suis son esclave sot.
Ses yeux paraissent si sincères.
Le chaton lève son museau
Et l'innocence remplit l'air.
J'entends miaou comme un pipeau
Et même si c'est éphémère,
Je rapplique comme un éclair,
Et il est déjà sur le dos.
Le chaton lève son museau.
Rondeau
La rose blanche que tu me jetas
N'a fleuri que deux jours et puis s'en alla
Et ta promesse, pareille, secrète,
Dura encore moins, ah que je suis bête !
La rose blanche.
Bien fou celui qui se fie aux appâts
D'une fille comme Casanova,
Qui me séduit et rit de ma requête.
La rose blanche.
Je me méfiai et elle hésita,
Ensuite dit oui et puis me chassa.
Moi désespéré, Carmen à la fête,
La rose fanée tourne dans ma tête,
La rose blanche.
Élisabeth
Virelai
Tu tournes mon lait
Tu n'es pas très frais
J'enrage
Le soleil t'a fait
Changer en un laid
Fromage
Tout blanc tu étais
Comme je t'aimais,
Breuvage,
Quand je te tétais
Avant mon jeunet
Sevrage !
Rondel
Il n'y a rien de plus beau
Que le jardin des Granère
Quand nous planchons sur leurs terres
À l'instar de l'Oulipo
Oui vraiment c'est un cadeau
Que cette gentilhommière
Il n'y a rien de plus beau
Que le jardin des Granère
Comme les arbres sont hauts
Et que leur allure est fière !
Bientôt nous allons tous faire
Une orgie de nos gâteaux
Il n'y a rien de plus beau.
Rondeau
Comme j'ai soif ! Ça me fait du tracas,
Me concentrer, vraiment, je ne peux pas
L'inspiration me manque, c'est trop bête
J'entends du bruit résonner dans ma tête
Ça sert à quoi tout ce galimatias ?
Si j'avais su, animé j'aurais pas
Cet atelier. Sans boire, c'est pas ça.
Avec du vin, ce serait une fête...
Comme j'ai soif !
Je voudrais bien un peu de malaga
Ou du porto ou bien du marsala.
Avant la nuit il faudra que je tète
Pardonnez-moi si je vous fais requête
D'un peu de vin tel Jésus à Cana
Comme j'ai soif !
Cécile
Virelai
C'est comme le lait
C'est blanc c'est parfait
La neige
Pays qu'on connait
Source de bienfaits
Norvège
Je fais ton portrait
Du café à souhait
A Liège
Rondel
Un déjeuner au bord de l'eau
Le vin rosé ou bien la bière ?
On apporta ce qu'on préfère
Pour commencer, à l'apéro...
Veux-tu du poulet un morceau
Un petit morceau au madère ?
Un déjeuner au bord de l'eau
Le vin rosé ou bien la bière ?
Mais tout à coup, non mais allo !
Qu'y a-t-il là, dans mon derrière ?
Des fourmis dans le bas du dos
Un déjeuner au bord de l'eau.
Rondeau
Dieu, qu'il fait beau, Alléluia !
Il flotte un parfum de moka
Et dans l'air doux la sarriette
Se mêle au goût de la rillette
L'herbe est si verte, hourra hourra !
Après les arbres et au-delà
On subodore un camélia
Poussez poussez l'escarpolette
Dieu, qu'il fait beau !
Heureusement aucun thuya
Ni géranium ni mimosa
Rien qui viendrait gâcher la fête
Mais le sapin, mais la noisette...
Oui c'est l'alpha et l'oméga
Dieu ! Qu'il fait beau !
Maridjo
Virelai
C'est si bon le lait
Qu'on boit en forêt
À l'ombre
Comme l'oiselet
Qui niche au sommet
En nombre
Et qui se parait
De plumes de geai
Bien sombres
Le laitier passait
Chargé de son faix :
Hombre !
Rondel
Le ciel est bleu là-haut très haut
Dans les nuages hirondelles errent
Le temps restera beau et clair
Si Dieu le veut : pas de manteau !
Sur son bateau le matelot
Voit le soleil qui le requiert
Le ciel est bleu là-haut très haut
Dans les nuages hirondelles errent
Pour la pêche au grand cachalot
Le bateau courra sur son erre
Le marin lèvera son verre
À la gloire du paquebot
Le ciel est bleu là-haut très haut
Yves
Rondeau
La pauvre enfant toute pompette
Ira bientôt rejoindre sa couette
Mais pour l'instant elle se débat
« Où sont les clés de ma Simca
Qui m'avait causé bien des dettes ? »
Il y a de quoi devenir bête
D'ainsi ne plus avoir de tête
Où sont ses clés ? Elle ne sait pas
La pauvre enfant
Demain aux Galeries Lafayette
Elle s'achètera une salopette
Mais comment faire d'ici-là
Car ses sous sont dans la Simca
Et sans sous pas de salopette
La pauvre enfant
Maurice
Virelai
Ah si tu pouvais,
Blanc comme le lait,
Sourire
Nul ne cesserait
Sans aucun regret
De rire
Quand je reviendrais
Alors ce serait
Délire
Puis on s'en irait
On s'éloignerait
Du pire
Rondel
Oui je te tire mon chapeau
Et ne crois pas que j'exagère
Le vain désert où hélas j'erre
Sans toi j'y aurais laissé ma peau
Tu as mis un coup de rabot
Dans mon charabia délétère
Oui je te tire mon chapeau
Et ne crois pas que j'exagère
Rendons grâce à tes propres mots
Qui m'ont tiré de la misère
Où je me noyais sans manière
Aussi je le dis clair et haut
Oui je te tire mon chapeau
Rondeau
Papillon blanc, voletant là
De droite à gauche, en haut en bas
Au point fixe sur l'épinette
Tantôt rasant de près l'herbette
Tourbillonnant en mille ébats
Dans les noyers, les sophoras
Devine où tu te poseras
Au bout de toutes tes grimpettes
Papillon blanc
Sera-ce sur le réséda
Sur la mare ou le seringa
Par ici sur une branchette
Au sommet d'une sapinette
Ou alors au bout de mon doigt
Papillon blanc