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Qui a fait ça ?

Lisez chacun des textes ci-dessous et tentez de deviner qui en est l'auteur. N'hésitez pas à en discuter avec d'autres joueurs, échangez hypothèses, analyses et arguments. Il est bien sûr interdit de consulter quelque source d'information que ce soit !

Consultez ensuite la liste des noms proposés et cherchez, pour chaque texte, celui qui vous semble le plus plausible.

Vous pourrez enfin consulter les solutions.

Numéro 1

On admet généralement qu'un homme, se livrant chaque jour, ainsi que le font les membres de nos classes riches, à une légère absorption de boissons alcooliques avant chaque repas, se trouve, le jour suivant, pendant les heures de travail, dans un état d'esprit parfaitement normal. C'est une grave erreur. L'homme qui, la veille, a bu une bouteille de vin, un verre d'eau-de-vie, deux chopes de bière, se trouve le lendemain dans un état d'affaiblissement qui suit toujours l'intoxication du jour précédent. Il est donc mentalement oppressé et prostré, et cette sensation ne fait que s'accroître quand il fume.

Un individu qui boit et fume modérément mais régulièrement chaque jour a besoin, — pour que son cerveau revienne à l'état normal, — tout au moins d'une semaine, probablement de plus d'une semaine d'abstinence complète. Or il n'existe pas de fumeur ni de buveur qui s'abstienne volontairement pendant une période de temps aussi longue.

Il suit de là que tout ce qui se fait sur cette terre, aussi bien par ceux dont la profession est de guider et d'enseigner les autres que par ceux qui sont ainsi guidés et enseignés est fait sous l'influence de l'ivresse.

J'ai l'espoir que l'on ne prendra pas ceci pour une plaisanterie ou une exagération. En effet les extravagances, en particulier l'inconscience et la folie, naissent communément dans un milieu où l'intempérance est une habitude invétérée.

Est-il concevable que des gens qui ne sont pas ivres, s'occupent de mettre à exécution tant de choses extraordinaires qui s'accomplissent dans le monde, depuis la Tour Eiffel jusqu'au service militaire ? C'est absolument inconcevable. Sans qu'on éprouve le moindre besoin, même sans qu'il existe un semblant de besoin, une compagnie est formée, un capital considérable est souscrit, des gens se mettent au travail pour établir des devis, tirer des plans ; des millions de jours de travail et des millions de kilogrammes de fer sont employés à la construction d'une tour. Quand cette tour est finie, des millions de personnes considèrent comme un devoir de monter au sommet de cette tour, d'y rester quelques instants, d'en descendre en glissant ou en rampant, et le seul effet produit sur l'esprit des hommes par cette tour, par la fréquence des ascensions qu'on y fait, est le désir et la résolution d'édifier des tours encore plus élevées, en d'autres lieux.

Numéro 2

Je ne veux que du bien aux langues de tous pays, et à celle que je connais le mieux, le français, qui est si riche, si vivante et si renouvelée que je ne comprends pas pourquoi des gens qui pourtant changent de chemise tous les jours se servent si longtemps des mêmes clichés qu'ils trempent dans toutes les sauces. Ces négligés de la glotte ignorent les plaisirs des jeux de mots dans cette langue dotée de tout temps de tant de redondances que tout peut se traduire en allitérations, calembours et autres fientes de l'esprit (disait Victor Hugo qu'était scatologique).

Nonobstant, le vieux français n'en garde pas moins tout son charme et les félibres leur plaisir d'épater les "étrangers du dehors" avec leur truculent provençal qui leur est aussi indispensable que la huche à pain voisine du frigo.

Demain qui sera peut-être dans même pas mille ans, il en sera de même du français et autres langues actuelles. De plus, même si ce langage a su se débarrasser des traditions pour servir exclusivement l'explosion logique cela ne fera qu'élargir les domaines de l'art, de la poésie et autres fantaisies.

Numéro 3

Pourtant quand je me trouvai tout nu devant Rosalie, au milieu des meubles de son séjour très aristo, je connus un instant de panique. Ma bistouquette par exemple, ma chérie, mon vibromasseur, mon outil de travail semblait avoir l'intention de me laisser royalement tombe : pas la plus petite ardeur à l'ouvrage ni même à la détente. J'ai vu le moment où Rosalie allait demander à sa femme de chambre de lui apporter sa seconde paire de lunettes pour pouvoir l'examiner à loisir.

Au fait, la femme de chambre, elle existe : je l'ai rencontrée ! Gilberte elle s'appelle. La cinquantaine assez présente et moins bien conservée, naturellement, que celle de sa maîtresse : comme dit Krasucki, la travailleuse ne peut pas se foutre dans le cul autant de talbins que la patronne afin de le maintenir en état de marche. Conclusion : si tu en as la possibilité, camarade, baise plutôt les exploiteuses que les exploitées.

La chaîne hi-fi égrenait le délicieux concerto pour piano et orchestre de Francis Poulenc dans la version de Gabriel Tacchino. Il y avait un miroir en face de moi, un autre à gauche. On se serait cru un jour de défilé de mode chez Saint-Laurent.

L'examen de Rosalie fut des plus complets. Non seulement elle me fit grimper sur un fauteuil pour avoir mon engin à bonne hauteur de ses bésicles, non seulement elle le soupesa pour en vérifier l'ampleur et la fermeté, non seulement elle l'agaça de mille façons adroites pour en éprouver l'agressivité, mais elle le garda un long moment dans sa bouche afin d'en apprécier le goût.

Numéro 4

Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire.

Numéro 5

C'est à Philadelphie que j'eus le plaisir de faire la connaissance de cet original. J'étais arrivé dans cette ville à neuf heures et demie du soir ; mes amis et moi, nous mourions littéralement de faim. A peine débarqués, nous nous précipitons sur un indigène :

— Un bon restaurant, s'il vous plaît ?

— Pétry.

— Allons chez Pétry.

Aussitôt dit, aussitôt fait, et nous voilà attablés. Sans perdre un instant nous faisons notre menu.

— Garçon ?

— Messieurs.

— Donnez-nous d'abord une bonne julienne.

Le garçon fait la grimace.

— Oh ! je ne vous conseille pas d'en prendre ; les légumes sont bien durs ici.

— Bien... nous nous passerons de potage. Vous avez du saumon ?

— Oh ! le saumon ! certainement nous en avons ; nous l'avons même depuis longtemps. Il n'est peut-être pas de la première, ni de la dernière fraîcheur.

— Alors un chateaubriand bien saignant.

— Le cuisinier les fait très-mal.

— Des fraises.

— Elles sont gâtées.

— Du fromage.

— Je vais le prier de monter. Je le connais. Il viendra tout seul.

— Dites donc, garçon, vous ne devez pas rapporter grand'chose à votre patron ?

— Je tiens surtout à ne pas mécontenter mes clients.

— Si j'étais M. Pétry, je vous flanquerais à la porte.

— M. Pétry n'a pas attendu vos conseils. Je sers ce soir pour la dernière fois.

Sur ces mots, il nous salua très-profondément et nous soupâmes admirablement.

Numéro 6

La cause fondamentale du développement des choses et des phénomènes n'est pas externe, mais interne; elle se trouve dans les contradictions internes des choses et des phénomènes eux-mêmes.

Toute chose, tout phénomène implique ces contradictions d'où procèdent son mouvement et son développement.

Ces contradictions, inhérentes aux choses et aux phénomènes, sont la cause fondamentale de leur développement, alors que leur liaison mutuelle et leur action réciproque n'en constituent que les causes secondes.

Numéro 7

Ô nuit, ô temps suave bien qu'obscur, ta paix, pour finir, a toujours raison de tout labeur ; qui t'exalte a l'œil bon et l'entendement sain, c'est un esprit sans faille qui te rend honneur. À toute pensée chagrine tu coupes court : l'ombre rafraichissante et paisible l'assume ; et souvent d'ici-bas jusqu'aux nues tu m'emportes en songe où j'ai l'espoir de parvenir un jour. Ô ombre de la mort dans laquelle s'apaise toute détresse d'âme dont pâtit le cœur, pour l'affligé, suprême et bienfaisant remède ; tu guéris notre chair infirme, essuies nos pleurs, nous délasses de nos fatigues et soulages les justes de toute colère et tout ennui.