Céline a 20 ans. Pour elle, avoir une rétinite pigmentaire signifie qu'elle ne voit pas bien la nuit. De jour, sa vision est normale. Du moins elle le croit.
En réalité, un petit coin de son champ visuel, sur le côté, est déjà grignoté, sans qu'elle s'en rende compte. Jusqu'au jour où, au volant de sa voiture, elle aborde un carrefour banal en pleine campagne.
Figure 1 : le paysage devant le pare-brise de Céline.
Ce jour-là, par malchance, le « trou » de son champ visuel (son scotome) est tombé au mauvais endroit au mauvais moment.
Si Céline pouvait voir directement ce que ses yeux perçoivent, elle se rendrait bien compte que quelque chose ne va pas, et elle tournerait les yeux ou la tête pour compléter l'image qu'ils lui envoient.
Figure 2 : ce que les yeux de Céline perçoivent.
Mais son cerveau traite cette image incomplète comme le fait tout cerveau normal en présence d'une tache aveugle : il remplit le trou du mieux qu'il peut à l'aide des informations dont il dispose pour fournir une image d'apparence normale.
Céline n'a aucune raison de soupçonner que ce qu'elle voit ne correspond pas à la réalité.
Figure 3 : ce que voit Céline.
Après l'accident, elle dira : « Je ne comprends pas ce qui s'est passé. Je n'ai pas vu la voiture. Ça ne m'était jamais arrivé. »
Comme beaucoup d'autres rétinopathes, Céline ne fera pas le lien entre cet accident et sa rétinite pigmentaire. Ce n'est que beaucoup plus tard qu'elle prendra conscience du danger que sa vue représente pour elle et pour les autres, et qu'elle acceptera de ne plus conduire. Pour certains, malheureusement, cela viendra trop tard.
Champ visuel 4/6 – Suivant >
Nicolas Graner, Licence Art Libre