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Cinq haïkus hétérodigrammatiques en babebine.
Un hétérodigramme, du grec hétéros « autre », di « deux » et gramma « signe », est un texte dans lequel aucun groupe de deux lettres consécutives n'apparaît plus d'une fois. Par exemple, « Maître corbeau sur un arbre perché » n'est pas un hétérodigramme car on trouve deux fois « rb » (dans corbeau et arbre), ainsi que deux fois « re » (dans Maître et arbre). Au contraire, « tenait dans son bec un fromage » est hétérodigrammatique. Dans ce cadre, on ne tient compte ni des espaces entre les mots, ni des signes diacritiques : dans « ventre affamé n'a pas d'oreilles », on trouve deux fois « en », dans « ventre » et dans « affamé n'a ».
L'expérience montre qu'écrire une courte phrase hétérodigrammatique
est facile, mais que la difficulté augmente assez rapidement à partir
d'une vingtaine de syllabes environ. Si l'on tente de composer un petit
poème de trois vers de 5, 7 et 5 syllabes, soit 17 au total, on
constate que :
écrire un haïku
hétérodigrammatique
est assez facile.
Tout se complique si l'on décide d'introduire des rimes, puisque des sons identiques à la fin de deux vers s'écrivent généralement avec les mêmes lettres, au moins en partie. Pour faire rimer un hétérodigramme il faut mettre à la rime un son qui peut s'écrire de plusieurs façons différentes. Gilles Esposito-Farèse a ainsi composé de nombreux distiques d'alexandrins hétérodigrammatiques rimés.
Dans Eventaïku j'ai étendu ce principe à des haïkus hétérodigrammatiques dont les trois vers riment ensemble, ce qui oblige à trouver des sons qui s'écrivent de trois façons suffisamment différentes. J'ai choisi le son [k] qui peut s'écrire avec différentes combinaisons de C, K et Q. En l'associant à cinq voyelles selon un procédé inspiré de la babebine, j'ai obtenu cinq haïkus hétérodigrammatiques rimant respectivement en -ak, -ek, -ik, -ok, -uk.
Nicolas Graner, 2020, Licence Art Libre