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Des alexandrins qui changent de sens lorsqu'on modifie la place de la césure.
Dans la versification française classique, un alexandrin est un vers de 12 syllabes divisé en deux hémistiches de 6 syllabes, avec une césure entre les deux hémistiches. Les deux quatrains qui composent Galères sont formés de vers de 12 syllabes qui ne sont pas des alexandrins car ils ne présentent pas de telle césure. Si on les lit en respectant le rythme naturel de la phrase, ils sont coupés selon les cas en 5+7, 7+5 ou 8+4 syllabes.
Il est toutefois possible de les lire comme des alexandrins, en marquant une pause après la sixième syllabe. Cela conduit à couper des mots et en fait apparaître d'autres phonétiquement. Ces mots sont tous grossiers ou injurieux, ce qui explique le recours à un procédé détourné pour les cacher dans le texte d'origine. Lu de cette façon, le texte devient :
C'était un pauvre con, / damné quoiqu'innocent
Il était emmerdé / le matin jusqu'au soir
Transportant les pédés, / marins et capitaines
Il leur faisait des pipe', / oh comme ils chantaient bienPour des patrons, des pute' / et d'autres gagne-gros
Elle astiquait des culs, / lasse mais courageuse
Elle voyait des bite' / et du mauvais alcool
En montrant bien son trou / bleu d'avoir pris des coups
Notez que si on les écrit normalement, les vers 4, 5 et 7 ne sont pas des alexandrins réguliers puisque la syllabe pes ou tes qui précède la césure devrait être prononcée comme une septième syllabe du premier hémistiche. En remplaçant le S par une apostrophe qui indique qu'il faut élider cette syllabe, on réalise une césure épique, courante au Moyen-Âge et à l'époque actuelle mais interdite en versification classique.
Nicolas Graner, 2018, Licence Art Libre