Les nombres révolutionnaires
Entrez un nombre en chiffres et cliquez sur « Afficher » pour faire apparaître son nom dans le système de Condorcet.
Qu'est-ce que le système révolutionnaire
de numération ?
Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de
Condorcet (1743-1794), mathématicien,
philosophe et homme
politique français, s'intéressa beaucoup
à l'instruction des enfants qu'il jugeait
essentielle au progrès de l'humanité.
Son dernier livre, Moyens d'apprendre
à compter sûrement et avec
facilité, est un manuel
d'arithmétique élémentaire
destiné aux écoles primaires et
accompagné d'abondantes notes pour les
maîtres.
Avant d'aborder la pratique des quatre
opérations, Condorcet expose « le
système de numération actuellement
usité en France ». En
réalité, il s'agit d'un système
nouveau, que l'auteur souhaitait manifestement voir
entrer en usage en l'introduisant d'abord dans les
écoles. Il mourut juste après la
rédaction de ce livre et son projet ne fut pas
réalisé. C'est ce système de
numération que je présente ici.
Dans le même esprit que le système
métrique (dont Condorcet fut l'un des artisans)
qui simplifiait et rationalisait les systèmes
d'unités existants, le système de
numération de Condorcet est une rationalisation
de la numération ordinaire. Il s'en explique
ainsi dans les notes pédagogiques de son
ouvrage :
« Il m'a paru nécessaire de faire
quadrer la numération parlée
avec la numération en chiffres.
J'ai donc changé ceux des noms de nombre qui
rompent l'analogie. Le changement sera même
commode pour ceux des enfans très-jeunes qui ne
savent pas encore compter ; il ne peut avoir
aucun inconvénient pour les autres. »
Le système de Condorcet
- Les unités s'appellent : un, deux,
trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf.
- Les dizaines s'appellent : dix, duante,
trente, quarante, cinquante, soixante, septante,
octante, nonante.
- Les nombres de 10 à 99 s'obtiennent en
reliant le nom de la dizaine et celui de
l'unité (s'il n'est pas nul) par un trait
d'union : dix-deux (12), duante-cinq (25), trente
(30), quarante-un (41).
- Les nombres de 100 à 999 s'obtiennent en
faisant précéder le mot cent
par le nombre de centaines, s'il est
supérieur à un, et en le faisant suivre
par les dizaines et unités : cent duante
(120), deux cent (200), cinq cent trois (503), sept
cent nonante-un (791).
- De 1000 à 999 999, on fait
précéder le mot mille du nombre de
milliers, s'il est supérieur à un :
mille sept cent nonante-quatre (1794), cent
duante-trois mille quatre cent cinquante-six
(123 456).
- Les nombres plus grands sont divisés en
tranches de trois chiffres portant les noms mille
(103), million (106), dillion
(109), trillion (1012),
quadrillion (1015), etc. : un dillion
(1 000 000 000), cent trente-trois
trillions deux mille dix-trois
(133 000 000 002 013).
Précisions et commentaires
- Le mot cent est invariable, contrairement au
français courant : deux cent (200). La
question ne se pose pas pour vingt puisque le mot
quatre-vingts a été supprimé au
profit d'octante.
- Pour les noms de grands nombres, Condorcet
utilise l'échelle dite « courte »,
conformément à l'usage de son
époque : un n-illion représente
10(3n+3) (dans la plupart des pays du monde
à cette époque, et en France depuis
1961, un n-illion signifie 106n). Il donne
les termes dillion (à la place de milliard),
trillion, quadrillion et précise que cette
liste peut être étendue, mais sans
indiquer exactement comment sont construits les noms
suivants.
- Dans ses exemples, Condorcet place souvent une
virgule après les mots mille, million, dillion
etc. : neuf cent nonante-neuf millions, neuf cent
nonante-neuf mille, neuf cent nonante-neuf (999 999 999). Il ne fait
aucune mention de cette virgule dans le texte et ne
l'emploie pas systématiquement, même pour
les grands nombres. Dans mon
programme de conversion j'ai pris le parti de la
mettre systématiquement, même pour des
nombres simples comme mille, cinq cent (1500) où
Condorcet n'en met pas.
Notez que cette virgule peut introduire une
ambiguïté dans une
énumération de nombres :
« Ils arrivèrent par vagues
successives de deux mille, cinq cent, huit cent et
trois mille hommes » peut signifier 2000,
500, 800 et 3000 ou 2500, 800 et 3000.
- Condorcet n'a pas poussé jusqu'à
son terme la régularisation de son
système. Il subsiste quelques anomalies,
notamment :
- le mot trente s'écrit avec « en » alors
que tous les autres noms de dizaines ont « an ». Il
aurait pu écrire trante.
- le mot mille est invariable, comme tous les adjectifs
numéraux, mais million, dillion, etc. restent des substantifs
et prennent un s au pluriel : deux millions trois
mille (2 003 000). Remarquons que cette insertion de
substantifs au milieu des adjectifs numéraux a la vie dure,
puisque même les
rectifications
orthographiques de 1990 ont conservé cette bizarrerie,
que l'on retrouve
également
en espéranto.
- pour la même raison, les mots million,
dillion etc. sont précédés de
« un » lorsque leur coefficient est égal
à 1, alors que ce « un » est sous-entendu
devant mille et cent : un million mille
(1 001 000).
Référence
Condorcet, Moyens d'apprendre à compter
sûrement et avec facilité,
réédité en 1988 par
ACL
- Les Éditions du Kangourou. Comprend un
fac-similé de l'édition originale
complété par d'abondants commentaires
didactiques, historiques, philosophiques et
bibliographiques.
Nicolas Graner, 2003, Licence Art Libre