Escamotable
Je suis un vieil inuit au fou katajjaniq,
Prince d’Arnex-sur-Orbe à la tour anodine,
Mon cœur est emporté, noyé par le nodvik
Taguant un soleil noir sur le nez d’une ondine.
Au soir du seize juin, j’ai cueilli la panic
Et les crêtes de coq d’une paissance andine
Pour coller à côté de votre doronic
Sur le pampre rosi (d’un iraquien, pardine !)
Suis-je Phébus, Amour, Lusignan ou Biron ?
Ma face fut orange au bisou de la reine
Et même rouge sang — Toi, Ô, ma souveraine ! —
J’ai traversé, champion, l'Yonne sans aviron,
Jouant à l’orphéon, en aeon — veuf atone —,
Un naïf air d'antan au charme monotone.
Gérar de Nerval
Une lettre est dite « escamotable » si on peut la supprimer sans changer la prononciation du vers où elle se trouve, en tenant compte des liaisons et des élisions éventuelles.
Dans ce sonnet, chaque vers comprend une lettre escamotable et une seule (dans le cas d'une lettre doublée, on peut décider que c'est soit la première soit la deuxième qui est escamotable, mais pas les deux). En les mettant à la suite, elles donnent la réponse à la question que pose Nerval au neuvième vers de El Desdichado : katajjaniq, Arnex-sur-Orbe, est, Taguant, seize, crêtes, coller, iraquien, suis-je, reine, sang, Yonne, aeon, un naïf → je suis Lusignan.
© Alexandre Carret – 2022