Hétérodigrammes
Je suis ce ténébreux perdu, — l'inconsolé,
Le prince de Garonne à la tour abolie :
Périt ma galaxie en un luth constellé
Qui porte un astre noir de sa Mélancolie.
En l'ombre du caveau, toi qui m'as consolé,
Rends-moi Naples, sa butte et la mer d'Italie,
La flore qui charmait tant mon coeur désolé,
Et la vigne où ta rose à des raisins s'allie.
Suis-je Tendresse, Hélios ?... Lusignan ou Biron ?
Ma face est encor rouge au baiser de la reine ;
J'ai spéculé de grotte où nage la sirène...
Alors double vainqueur, j'enjambe l'Achéron :
Ensemble solfiant sur la lyre d'Orphée
Un soupir qu'a la sainte avec ces cris de fée.
Gaspard de Nerval
Chaque vers de ce sonnet est un hétérodigramme, c'est-à-dire qu'aucune suite de deux lettres n'apparaît deux fois dans le même vers.
© Gilles Esposito-Farèse – 2019