Parfumé
Je suis « Le Ténébreux », — tout neuf, — le dernier né,
Le Prince des parfums, ou l'anti-patchouli :
Une étoile en cristal clôt mon flacon stellé
Qu'orne le soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du boudoir, toi qui m'as débouché,
Respire les senteurs de la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon cœur* révélé
Et le muscat où l'ambre à la rose s'allie.
Suis-je Hermès ou Guerlain ? Givenchy ou Caron ?
J'ai imprégné le front de l'amant de la reine...
J'ai rêvé dans ma grotte au musc de la sirène.
Et par deux fois je fus nommé « Numéro Un
De l'Année » en mêlant dans mon orgue à parfums
L'arôme de la sainte** au bouquet de la fée.***
Nez rare de Gerval
* « Cœur » s'entend ici au sens qu'il a en parfumerie : après la « note de tête », la « note de cœur », où se révèle l'essence même du parfum.
** On reconnaît là la fameuse « odeur de sainteté » (odor sanctitatis), que les spécialistes rapprochent de celle de l'encens.
*** Cf. le poème Apparition de Mallarmé où la fée laisse tomber « de blancs bouquets d'étoiles parfumées ».
© Alain Chevrier – 2003