Bipolaire
Eh bien oui maintenant je suis l'inconsolé
À quatre cents versions de mon œuvre immortelle
Miné aux avatars j'ai le sonnet fêlé !
Ma musique pillée mon âme bat de l'aile !
Ô vous les oulipiens vous vous êtes liés
Rendez-moi donc mes vers et ma vraie mélodie !
Vous avez saccagé mon vieux cœur désolé
En usant à la fois de rire et d'ironie !
Je fus n'importe qui au bout de vos questions
J'ai souffert tour à tour de mille et mille peines
Et que n'ai-je rêvé où nage la sirène ?
J'ai tant et tant d'exploits qu'Hercule est avorton
Tout à côté de moi mais à présent laissez
Mes soupirs de la sainte et mes cris de la fée !
J'en suis vraiment joyeux, — c'est neuf, — c'est bien gaulé,
Ces princes par centaine et leur cour si jolie
Ma gueule à poil porte. Tribut bien ficelé !
M'apporte le réveil, cette foire impolie.
Reconstruit le tempo qui m'a déformolé.
Sens comme ça défripe et ça me mésallie.
J'ai pas peur du plagiaire un peu olé-olé,
M'ensoleille un chantre qui à la mort pallie.
Calembour dans son jus ? Du verlan, du cochon ?
Leur front n'est jamais rouge à relâcher ma chaîne.
Sans trêve, me tripote un langage sans gêne.
Quatre cents fois — flatteur ! — m'ont pressé le citron ;
Roucoulant sans détour, délires par bouffée.
De croupir, la crainte ils l'auront bien étouffée.
* La liste Oulipo.
L'esprit de Gérard de Nerval (ou peut-être est-ce le Desdichado lui-même ?) tantôt se désole, tantôt se réjouit, des multiples avatars que lui font subir les membres de la liste Oulipo.
© les auteurs – 2016