Avatars de Nerval

Ailes des dix chapeaux

Le Déshabillé

Je m'appelle le sombre, — homme triste, — écarté,
L'importante Figure à la cour démolie :
Ma seule étoile meurt, — mon corps de feu planté
Porte le soleil noir et la Fièvre remplie.

Sous ta pierre de nuit, camarade écouté,
Donne-moi la montagne et notre mer partie,
La fleur sachant offrir autant à ma santé,
Et l'arbre rencontrant de l'eau rose sentie.

Suis-je Amour ou la Plume ?... Un Grand ou Pantalon ?
La Dame à lèvre rouge embrasse mon visage ;
Dans la cave, je vois, la femme-poisson nage.

Et je sais gagner deux voyages en ballon
En jouant la musique à nouveau du grand-père :
La sœur parlant tranquille ou criant sa colère.

Regard de Cheval

Le Barbouillé

Je suis le sombre, — l'abandonné, — le triste,
Le prince du bord de mer à la tour démolie :
Ma seule étoile est morte, — et mon instrument de musique décoré
Porte le soleil noir qui fait pleurer.

Dans la nuit de la mort, toi qui m'as consolé,
Rends-moi la montagne et la mer chaude,
La fleur qui plaisait beaucoup à mon cœur triste,
Et l'arbre où le raisin à la tulipe s'accroche.

Suis-je amour ou soleil ?... Un bonhomme ou un monsieur ?
Mon front est rouge encore du baiser de la reine ;
J'ai rêvé dans la grotte où nage la grenouille...

Et j'ai, deux fois premier, traversé la rivière des crocodiles :
Chantant tour à tour sur l'instrument de musique du monsieur
La princesse qui soupire et les cris de la fée.