Si t'es avili,
si t'es exilé,
que ton cœur faiblit,
palpite isolé ;
si t'es dans l'oubli,
si t'es accablé,
toi qu'on anoblit,
qu'on auréolait ;
roi de Rivoli
et de cent vallées,
si t'es démoli,
ta tour écroulée ;
ça fait pas un pli :
tu l'as pas volé !
L'étoile pâlit,
lumière brûlée,
lapis-lazuli
qui étincelait ;
sur ton luth sali,
ta lyre éraflée,
survient l'aphélie
qui va t'aveugler ;
une anomalie
va te craqueler
et le dégueulis
va t'annihiler :
affreuse chienlit
qui te fait chialer !
T'es enseveli
au tombeau scellé ;
est-ce dans ton lit
qu'on t'a étranglé ?
Si ça se pallie,
qui va t'épauler ?
Pars en Australie
et va rassembler
de la Mongolie
à la Galilée
tous les pissenlits
et les azalées ;
sois pas ramolli,
ça va girofler !
Vois ta panoplie :
t'es pas emballé
par ce patchouli
qui te régalait ?
Ta spasmophilie
te refait trembler...
Vois cet établi
rose et bariolé
offrant des coulis
et de bons sablés,
un friand muesli
et, amoncelés,
mille ravioli
prêts à avaler !
T'es Vasarely,
Émile Gallé
ou Botticelli ?
Serais-tu Paul Klee,
Salvador Dali
ou Zénon d'Élée ?
T'es Farinelli
ou la Caballé ?
Qui t'a embelli,
qui t'a affublé
d'un rouge joli
ton front modelé ?
Un guili-guili
de ta cajolée ?
La nymphe assouplie
savait s'installer
au fond d'un repli
où l'eau s'écoulait ;
ton rêve rempli
d'elle déferlait...
T'as peur du roulis,
peur de pédaler ?
Faut que tu rallies
l'Enfer : « Circulez ! »
dira Tabarly ;
tu vas cavaler
car il est poli,
certes, mais musclé.
Si tu multiplies
tes vers dédoublés ;
si tu concilies
tes chants emmêlés
au son de poulies
qu'aime trimbaler
la noire Kali,
muse ensorcelée ;
la vox populi
saura grommeler
et, l'âme en folie,
les gens vont hurler :
« Sa mélancolie
nous fait rigoler ! »
Raymard Queval
Cinq cents syllabes et deux rimes.
© Gilles Esposito-Farèse – 2000