Amical
Mon frère ténébreux, veuf, triste, inconsolé,
Grand prince d'Aquitaine en ta tour abolie,
Ta chère étoile morte et ton luth constellé
Me plongent dans le noir et la mélancolie.
Dans la nuit du tombeau, quand je t'ai consolé,
Nous nous rendions ensemble aux monts de l'Italie
Pour cette fleur plaisante à ton coeur désolé
Sur la treille où ton pampre à mes roses s'allie.
Comme Amour et Phébus, Lusignan et Biron,
Nous avons partagé les baisers de la reine
Et maints rêves obscurs de grotte et de sirène.
À présent que tu as traversé l'Achéron,
Je module tout seul constamment sur ma lyre
Les soupirs et les cris que je ne peux t'écrire.
Ce sonnet compte 220 voyelles et 284 consonnes. 220 et 284 sont des nombres amicaux, c'est-à-dire que la somme des diviseurs de 220 est égale à 284 (1+2+4+5+10+11+20+22+44+55+110) et la somme des diviseurs de 284 est égale à 220 (1+2+4+71+142). Cette relation reflète la profonde amitié qui unit l'auteur du poème et le Desdichado. Pour l'origine de cette contrainte, voir Une douce chose et son commentaire.
Nicolas Graner, 2018, Licence Art Libre