Criminel
Selon les premières conclusions de la police ce sont trois truands, le Ténébreux, le Veuf et l'Inconsolé qui se sont introduits chez le Prince d'Aquitaine en passant par les ruines de la tour du château et en se cachant pour attendre la nuit dans un des tombeaux de la chapelle. Outre le vol de trois tableaux dont le célèbre Mélancolie de Dürer, un Pausilippe de toute beauté et une Piéta Italienne dite La Mère ; les malfrats ont commis de nombreuses dégradations. Ils ont cassé une statuette de danseuse de Degas, « l'étoile », considérée par le Prince comme unique. Ils ont saccagé le jardin, ses roses anciennes et sa treille. Ils ont constellé (pour rester décent) le luth princier. On se perd en conjecture sur l'endroit où ils auraient pu déposer leur butin : grotte de Lusignan ou piscine de Biron.
Selon les enquêteurs, stagiaires nous est-il précisé, ils auraient été vus, traversant l'Achéron en vainqueurs et chose étonnante, en jouant de la lyre. La complicité de femmes n'est pas à exclure.
En fait, aux dernières nouvelles on nous indique que les trois truands et le prince ne seraient qu'un seul et même individu. Le sieur d'Aquitaine, ruiné et instable psychiquement aurait fomenté une escroquerie à l'assurance afin de reconstruire son château et de pourvoir aux besoins luxueux de Reine sa jeune maîtresse. D'après une indiscrétion ce sont les traces sur son front d'un baiser qui l'auraient fait dénoncer par Reine, fort jalouse, à qui il avait raconté que ses complices féminines étaient immatérielles : fées, sirènes, saintes. La belle, pas dupe, avait vu rouge et poussé les hauts cris. Pour son ancien concubin, sous les verrous, c'est maintenant le temps des rêves et des soupirs !
Gerlock Nermès
© Alain Zalmanski – 2000