Primalité syllabique
Je suis le ténébreux, — le veuf, — l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie :
Ma seule étoile est morte, — et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.
Dans l'obscurité du tombeau, toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plut à mon cœur désolé,
Et la treille où le pampre à la rose s'allie.
Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est écarlate encor du baiser de la reine ;
J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène...
Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Soupirs de sainte et hurlements de fée.
Le nombre total de syllabes contenues dans le titre et les n premiers vers est toujours un nombre premier, pour tous les n de 0 à 14. Ainsi, si on s'arrête après le titre on aura lu 5 syllabes, qui est un nombre premier. Après le premier vers, 5+12 = 17 syllabes, également premier. Et ainsi de suite : à la fin de chaque ligne on aura lu successivement 5 (titre), 17, 29, 41, 53, 67, 79, 89, 101, 113, 127, 139, 151, 163 et 173 syllabes, tous nombres premiers.
Pour obtenir ce résultat il a suffi de raccourcir de 2 syllabes les 7e et 14e vers et d'allonger d'autant les 5e et 10e. Une conséquence est que le nombre total de syllabes du poème (168 sans le titre) est le même que s'il était entièrement composé d'alexandrins.
Pour un poème moins régulier qui respecte la même contrainte sans titre, voir Course à l'échalote.
© Gilles Esposito-Farèse – 2020