Arythmie
| Je suis l'assombri, | le veuf et l'inconsolé, |
| Le prince aquitain | dont la tour fut abolie : |
| Mon étoile est morte, | et mon théorbe étoilé |
| Porte un soleil noir | glaçant de Mélancolie. |
| Dans la nuit funèbre, | ô toi qui m'as consolé, |
| Rends-moi Pausilippe | et rivages d'Italie, |
| La fleur qui plut tant | à notre cœur désolé, |
| Et la treille où pampre | à l'églantine s'allie. |
| Suis-je Amour, Phébus | ou Lusignan ?... Ou Biron ? |
| Mon front est rougi | du baiser qu'y fit la reine ; |
| Je rêve en la grotte | où nagera la sirène... |
| J'ai deux fois vainqueur | su traverser l'Achéron : |
| Chantant tour à tour | avec la lyre d'Orphée |
| Les soupirs de sainte | et les hurlements de fée. |
| Je ne suis qu'un ténébreux, | veuf, inconsolé, |
| Le prince de l'Aquitaine | à la tour salie. |
| Ma seule étoile a péri, | mon luth constellé |
| Porte le soleil noirci | de Mélancolie. |
| Dans la nuit de ce tombeau | tu m'as consolé : |
| Rends-moi donc Posilippo, | la mer d'Italie, |
| La fleur qui avait charmé | mon cœur désolé, |
| Et la treille où à la rose | un pampre s'allie. |
| Serais-je Amour ou Phébus ? | Lusignan, Biron ? |
| Mon front est rougi encor | d'un baiser de reine |
| J'ai rêvé dans une grotte | où vint la sirène... |
| Et j'ai par deux fois vainqueur | franchi l'Achéron |
| En modulant tour à tour | sur ta lyre, Orphée, |
| Ou les soupirs de la sainte, | ou les cris de fée. |
Les vers comptent tous 12 syllabes, mais au lieu d'être groupés en 6+6 comme dans les alexandrins classiques ils sont en 5+7 dans la première version et 7+5 dans la seconde. Le rythme obtenu rappelle celui des haïkus, poèmes japonais en 5+7+5 syllabes.
© les auteurs – 2005