Il n'est pas d'élément plus rare que l'astate
Sitôt créé, sitôt désintégré
Qui le recherche le constate
Personne ne sait où le rencontrer
De même pour le magnésium
Personne ne sait où le rencontrer
Mais il devient premium
Pour qui sait bien l'allumer
Pour qui sait bien l'allumer
Un atome de strontium
Suffirait pour enflammer
Les caves du muséum
Les caves du muséum
Celui des droits de l'homme
Où Neanderthal dort
Fier de sa médaille d'or
* * *
Le voyage de la molécule
Depuis la plage de Pirou
Qui navigue vers Jersey
N'est pas facile à suivre
La contrainte du jour
N'est pas facile à suivre
Sous la chaleur de four
Le sable semble cuivre
Le sable semble cuivre
Où défilent les pas
Il faut tenter de vivre
Sans iode ça ira
Sans iode ça ira
Sûrement pas bien loin
Qui le retrouvera
Gagne l'argent pas moins
* * *
Nous partirons par groupes de quatre sans maître
Ici pas de danger de tomber dans un gouffre
On ne voit au lointain nulle vague apparaître
Pas de tas de varech pas de traces de soufre
Pas de tas de varech pas de traces de soufre
Nous boirons l'eau bleutée et le vent qui souffle
Quand nos montures lasses de courir hors d'haleine
Nous partirons encore en quête d'oxygène
Lorsque de notre globe aura disparu l'eau
Nous partirons encore en quête d'oxygène
Nous partirons encore en quête d'hydrogène
Nous remplirons la mer avec de nouveaux flots
Pendant que sur la plage on bronze
Nous remplirons la mer avec de nouveaux flots
Ne reste que la médaille de bronze
Pour la grande victoire c'est à l'eau
* * *
Au nord il y a l'uranium
Les goélands en sont friands
Et l'homme qui toujours performe
Pourra-t-il vivre plus longtemps
L'homme qui brûle du carbone
Pourra-t-il vivre plus longtemps
Si ce défi est important
Une seule réponse est bonne
On dirait que pour le piroutron
Une seule réponse est bonne
Mais il faut bien presser le citron
Pour en saisir la donne
Ce poème est un peu abscons
Pour en saisir la donne
Mieux vaut ne pas avoir de plomb
En guise de neurones
Forêt
qui ombrage
toute la journée
merci pour ta fraîcheur
apaisante.
Res...pi...ra...ti...on...
refeuillecyclage terreauxygénation
delhumus àlacime éretour
maforce majoie mavie mavoix
ré...gé...né...ra...ti...on...
Sylvie
t'attend
en son cœur
étrange humain sans racines
• • •
Petit, adorable,
ou féroce, effrayant, agressif, redoutable, sauvage, carnassier, bestial, monstrueux,
aucun
n'est celui que l'on croit.
Sans fable,
aucun
n'accable
son prochain par plaisir.
Le majestueux navire fend la houle imperturbablement. Dans la somptueuse salle de bal, une assemblée richement parée danse, dîne et se dandine au son de l'orchestre symphonique. Dans l'entrepont, de jeunes émigrants se bercent du rêve américain en échafaudant mille projets d'avenir dorés. Dans le nid-de-pie du mât avant, l'homme de quart somnole, les yeux dans les étoiles, bercé d'une confiance indéfectible en son bâtiment. Que pourrait-on craindre lorsqu'on a la chance inestimable de servir à bord du fleuron de la compagnie, l'insubmersible Titanic ?
« Commandant ! Un icebergà cent brasses droit devant ! Mais si, là, il émerge du brouillard. On fonce droit dessus ! La barre à bâbord, toute ! Non, je veux dire à tribord. On ne poura pas l'éviter. Si, peut-être, mais faites vite ! Non, pas de ce côté. Machine arrière ! Alerte générale ! »
— Raté ! Même pas réussi à lui barrer la route. Je lui ai à peine égratigné le flanc droit. Il s'en tire bien, le salaud.
Respirer, c'est incorporer un peu du monde extérieur dans son propre corps.
Respirer, c'est une tentative toujours inachevée de s'approprier le vent.
Respirer régulièrement.
Raisonner rigoureusement, rédiger rhétoriquement, relire rapidement, ruminer rageusement, réécrire radicalement.
Relâcher, respirer.
Réciter ritournelles rigolotes, refrains ringards, rondeaux Renaissance rappelant Ronsard, raps rythmés.
Rire, respirer.
Rentrer reposé.
Rien retenir.
trente...
tenir encore
quinze...
impossible
cinq... quatre...
je vais lâcher
deux... une...
gagné !
c'est la première fois :
deux minutes sous l'eau
On manque de commisération, de confraternité, de mobilisations, de réciprocité, de manifestations, de convivialité, de socialisation, de réflexivité, de communication, de réceptivité, de participation.
Mais on a de l'air blanc entre les yeux, du feu nu sur les pieds, des couleurs humides dans la bouche, des rêves chauves derrière le front, de l'eau pointue devant le nez, des pailles ouvertes entre les oreilles.
Incorporer le monde
interroger
les gens les hommes
les femmes les choses
les bêtes les arbres
le ciel la mer
Incorporer le monde
interpeller
les uns les autres
les bons les braves
ceux qui donnent
ceux qui prennent
Incorporer le monde
intercaler
les mots les phrases
les noms les verbes
les pronoms
les adverbes
Incorporer le monde
imaginer
les vers les strophes
les pieds les rimes
les métaphores
et les images
Incorporer
les émotions
les sensations
les sentiments
le lâcher-prise
les pensées vagabondes
folâtres virevoltantes
insaisissables
incommunicables
Il y a bien vingt minutes que la porte s'est refermée. On a connu l'indifférence, puis l'étonnement, l'incrédulité, l'inquiétude, enfin l'angoisse. Vingt minutes, une éternité.
On voit des hommes, des femmes se rassembler dans l'expectative. Elle va s'ouvrir. Ils en sont sûrs. Elle doit s'ouvrir. Ils le savent. Elle ne s'ouvre pas.
On n'entend plus de cris derrière la porte. Tout juste quelques sanglots étouffés. Et des mots à peine perceptibles. Des mots qui parlent de l'avenir, quand la porte s'ouvrira, quand tout redeviendra possible.
Il dit qu'il n'a pas fait exprès. Qu'il a poussé la porte, qu'il n'a pas tourné la clé. Que la clé a tourné seule. Qu'il ne sait pas la rouvrir. Qu'il n'a pas la force.
Il dit qu'il faut qu'on lui ouvre. Qu'il ne veut pas mourir ici. Qu'il n'ira plus jamais aux toilettes, jamais de toute sa vie.
Elles disent qu'on peut ouvrir de l'extérieur. Qu'il doit y avoir une autre clé quelque part. Qu'il suffit de la trouver, et la porte s'ouvrira.
Elles disent qu'on ne peut pas le laisser comme ça. Qu'il est trop petit. Que cela va le traumatiser. Que la porte doit s'ouvrir.
On dit qu'il faut appeler les pompiers. Qu'ils passent par la fenêtre avec leur grande échelle. On dit qu'il n'y a pas de fenêtre. Qu'il faut enfoncer la porte. On dit qu'elle est trop solide. Qu'on risquerait de le blesser.
On dit que les enfants, poussés par la nécessité, sont capables de prouesses incroyables. On dit que pour sauver sa vie, un enfant peut même tourner une clé trop dure pour lui. On dit que la porte va s'ouvrir. Qu'elle s'ouvre. Qu'elle est ouverte.
Plage nue. Sable blanc. Sable fin. Sable humide.
Sourdement apparaît marée express qui monte.
Dans son trou, l'animal croit avoir un abri.
Rongeur invertébré, rampeur revigoré,
il aborde les pieds du noyé sur la grève.
Quittant l'ombre hachurée des rues charbon, l'antique
vers emboucle les pieds dans les anneaux des vers.
Y'a d'la rumba dans l'air.
Il fait plus chaud qu'hier.
J'ai pas pris la glacière.
Ma vie est un enfer.
Où est passé ton père ?
D'ici on voit la mer.
Il te reste des bières ?
Oh putain la galère !
Pile je gagne, face tu perds.
J'irai pas chez ta mère.
Oui, c'est un rottweiler.
Ça c'est pas tes affaires.
On ne peut rien y faire.
Y'a d'la rumba dans l'air.
Le mouvement des femmes, c'est un mouvement alternatif.
Le mouvement des hommes, c'est bien souvent une réponse au mouvement des femmes.
Le mouvement des femmes, c'est une nébuleuse spirale constituée de millons d'étoiles dont certaines brillent plus fort et illuminent les nuits.
J'ai sauté à pieds joints par-dessus l'Atlantique en arrachant au passage les dernières fibres du cordon ombilical.
Le mouvement inverse, un an plus tard, m'a ramené à la fois tout près et très loin de mon point de départ.
* * *
Un bâtonnet qui s'endort, un cône qui déconne, c'est un tout petit pas vers la cécité.
Un mouvement infime, un mouvement intime, répété des millions de fois.
Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
Assise aupres du feu, devidant et filant,
Direz chantant mes vers, en vous esmerveillant,
Ronsard me celebroit du temps que j’estois belle.
Lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Desja sous le labeur à demy sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s’aille resveillant,
Benissant vostre nom de louange immortelle.
Mon pauvre vieux Pierrot, si cette ritournelle
Pouvait, à ton époque, avoir un air galant,
L'Hélène d'aujourd'hui l'écoute en rigolant.
L'âge mûr ne fait plus peur à la demoiselle.
Je seray sous la terre et fantôme sans os
Par les ombres myrteux je prendray mon repos :
Vous serez au fouyer une vieille accroupie.
Regrettant mon amour et vostre fier desdain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dés aujourd’huy les roses de la vie.
Crois-moi, dans un futur encor bien plus lointain
Tu pourras te permettre, en lui tendant la main,
De dire : « je te plais ? Viens chez moi, ma chérie. »
Tenir le cap
droit au nord
droit devant
tenir la barre
jusqu'au bout
jusqu'au fond
et demeurer au pied du mât
le dernier debout.
* * *
Tenir le même langage
aux unes aux autres à toutes
le langage de l'avenir
le langage de l'effort
le langage de l'amitié
le langage de l'espoir
le langage de la passion
le langage de celles qui luttent
pour rester debout.
Jamais on ne l'a vu courir, marcher ou même ramper. Son éternelle nonchalance, gage d'inoffensivité, en fait un favori des enfants. Les plus jeunes s'identifient à lui ; leurs aînés sont toujours partants quand les parents proposent de lui rendre visite en sortie familiale et dominicale. Les frimousses épanouies, alignées devant la barrière qui prévient toute promiscuité excessive avec la bête, poussent des cris d'admiration mêlée d'une crainte moins rationnelle que rétrospective.
Les dents, dont la plus menue pourrait consommer d'un coup le divorce de l'une de ces jeunes têtes avec le cou qui la soutient si elle était animée d'une telle volonté, retiennent l'attention bien plus que les gouffres des narines ou les intrigantes orbites dont le regard est resté tourné vers de luxuriantes forêts de fougères arborescentes. Les colonnades des quatre membres érigent un péristyle dont on guetterait la course implacable si l'on ne les savait définitivement impropres à tout mouvement.
L'empilement indéfini des vertèbres s'estompe dans le lointain en un serpent caudal qui seul rappelle le lien unissant à travers les millénaires le charmant lézard des murailles à son ancêtre impérial le tyrannosaure.
Au début du début, le temps n'existait pas.
Dès le commencement, la question se posa :
Comment faire apparaître un objet si complexe
Quand on n'a pas le temps ? On restait tout perplexe.
Puis Dieu poussa ce cri : « que la lumière soit ! »
Ça n'était pas si bête. Et d'un, ça va de soi,
Il vaut mieux s'éclairer pour voir le temps qui passe.
Ensuite, la lumière, on le sait, se déplace.
Se déplacer, cela demande un peu de temps
Même si l'on va vite — et elle s'y entend.
Alors il fallut bien mettre le temps en place.
Il ne nous restait plus qu'à inventer l'espace.
Plutôt travailler allongé que dormir debout.
Plutôt écrire sans réfléchir que se taire avec profondeur.
Plutôt aimer à perdre la raison que raisonner à perdre le sommeil.
Plutôt chier du miel que manger de la merde.
Je sauve les meubles avant le désastre.
Je recueille les premières gouttes de rosée avant que l'herbe ne les boive.
J'empoche les bénéfices d'années d'abnégation désintéressée.
Je retourne au pays natal, la terre, des souvenirs.
J'embrasse d'un coup d'œil la succession des millénaires qui m'ont précédé.
Je regarde la vie autrement depuis que j'ai failli la perdre.
Je regarde encore mieux la mort depuis que j'ai failli la rejoindre.
Je sauve de l'oubli quelques personnes qui le méritent.
Je rejette à la mer les vagues qui pourraient me submerger.
Je rejette les répétitions inutiles pour aller de l'avant.
Je rejette l'envie de rejeter les répétitions peut-être pas toujours inutiles, qui sait.
Je garde pour moi ce que je ne veux pas vous dire.
Et je sauve aussi les apparences en faisant le malin.
Je sauve... je sauve... je sauve quoi, déjà ?
Je t'en fais pour que tu ne t'en fasses pas.
Je sauverai le monde quand j'aurai fini de me sauver moi-même.
La ville comme la campagne, la montagne comme la mer, que m'importe ?
Tenace comme toi, non, je ne sais pas.
Je resterai ce que je suis, tu ne me changeras pas.
Et je ferai de chaque jour toute une éternité d'amour, comme dit le poète.
DÉCLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DES RÉDACTEURS DE DÉCLARATIONS DE DROITS
Article premier
Bénéficier d'une déclaration de droits est un droit inaliénable, imprescriptible, immarcessible et imputrescible de toute catégorie d'êtres vivants ou non.
Article 2
Une déclaration de droits ne peut et ne doit être rédigée que par un rédacteur de déclaration de droits.
Article 3
En tant que catégorie d'êtres humains ou non, les rédacteurs de déclaration de droits ont le droit de bénéficier d'une déclaration de droits.
Article 4
Nul ne peut être forcé de rédiger contre son gré une déclaration de droits contraire à ses opinions morales, politiques, philosophiques, religieuses ou gastronomiques.
Article 5
Aucune déclaration de droits ne peut comporter moins de dix articles, à peine de nullité.
Article 6
Tout rédacteur de déclaration de droits peut prétendre à une rémunération juste et équitable, proportionnée au nombre d'articles de la déclaration de droits qu'il a rédigée.
Article 7
Il est interdit à tout rédacteur de déclaration de droits d'inclure dans sa déclaration de droits des articles inutiles, redondants, illicites ou inapplicables dans le seul but d'augmenter sa rémunération.
Article 8
Tout rédacteur de déclaration de droits peut proposer la rédaction d'une nouvelle déclaration de droits applicable à une catégorie d'êtres vivants ou non ne bénéficiant pas encore d'une déclaration de droits.
Article 9
Toute proposition de rédaction d'une déclaration de droits doit être validée par l'Assemblée générale de l'Union universelle des rédacteurs de déclaration de droits, à peine de nullité.
Article 10
L'article 10 de la déclaration universelle des droits des rédacteurs de déclaration de droits s'applique dans toutes les circonstances prévues ou imprévues à tous les rédacteurs de déclaration de droits, quel que soit leur statut professionnel, national, matrimonial, patrimonial ou occipital.
Mesdames les sénateurs,
Messieurs les sénatrices,
chères araignées forestières et casanières,
Messieurs les herbes,
Mesdames les arbres,
chers animaux, végétaux, champignons, micro-organismes, minéraux et planétésimaux.
Notre campagne a amplement fait ressortir l'aberration des politiques de cohérence, de solidité et de persévérance qui nous sont imposées depuis trois décennies par des gouvernements technoéconomaffiosopolitiques.
En application du programme qui a recueilli la majorité absolue de vos suffrages, je m'engage solennellement devant vous, derrière vous et sur quelques côtés de vous, à ne respecter aucun engagement, ne suivre aucune ligne préconçue et ne maintenir aucun avis permanent.
La fluidité sera notre devise, jusqu'à ce que nous en adoptions une autre. Souplesse, adaptabilité, soumission aux aléas et prise en compte des contingences sont les principaux axes de la politique que je vous engage à mener avec moi, le temps d'en bâtir une nouvelle plus belle, plus désirable, plus fluctuante et plus instable.
Je vous remercie de m'avoir écouté distraitement avec toute l'inattention dont vous êtes capables, en espérant que ce petit moment de rêvasserie aura fait naître en vous de belles idées à mettre en œuvre lorsque les circonstances leur seront favorables.
Merci et bonne fin de sieste.
un préau d'école dans un gymnase dans une salle parquetée dans une autre école avec des murs en miroirs dans une salle municipale dans une autre école dans un hall plein de dorures avec des barres aux murs dans l'ancienne patinoire dans une autre école à Rosemount Hall à la MJC dix filles et un garcon et deux garçons et douze filles pour quatre garçons et presque que des hommes et un seul homme pour plein de femmes et quelques enfants parmi beaucoup d'adultes et autant d'hommes que de femmes en deux lignes face à face et on cherche davantage d'hommes et douze femmes pour trois hommes deux hommes un homme un cercle pour la gigouillette un cercle pour le pilé menu un cercle pour le karikázó un cercle pour le kołomajki un cercle pour la hora un cercle ouvert pour accueillir un cercle fermé pour laisser sans cesse tourner la ronde
la voiture se devant la maison
les bagages qui la chambre
nous retrouvailles nous embrassades
nous souvenirs nous promenades
la mer se haute
la mer se basse
un dimanche de marché à rencontres
d'assemblée générale à rencontres encore
d'inscriptions à rencontres davantage
d'inauguration à rencontres toujours
la mer se haute
la mer se basse
la plage où l'on soleil
où l'on relais où l'on quatrain
les écrits où l'on sourire
où l'on larmes de rire
où l'on larmes d'émotion
la mer se haute
la mer se basse
le ciel nous soleil
le soleil nous nuage
le nuage nous mer
la mer nous horizon
l'horizon nous soleil
le côté de l'autre soleil la terre de jour lointains les peuples chaleur bleu du lumière ciel dans l'ici le là-bas nuit jour
la mer se haute
la mer se basse
mon onde courte, tu sais combien je t'FM
je voudrais tant moduler ta fréquence
à quelle heure ta prochaine vacation ?
* * *
mon cinnch pour ton jack
mon woofer pour ton tweeter
et un casque pour nous deux
* * *
passe-haut, passe-bas, passe-bande
entrées, sorties et auxiliaires
on va tout mixer, ma petite console
* * *
cette fois le rouge est mis
déployons nos antennes
pas de filtre, pas de bonnette
* * *
comment ça, enceinte !?
La perfection est la politesse des artistes, comme l'exactitude celle des rois.
Les détails ne cachent pas seulement le diable, ils le laissent s'exprimer.
La perfection, dit-on, ne serait pas de ce monde ; mais alors, duquel ?
Les détails sont au tout comme la perfection humaine est à la divine.
Dites-moi dites-moi pourquoi ceux qui racontent l'histoire du Titanic ne nous disent jamais ce qu'est devenu l'iceberg ? Est-ce parce que la fin des personnages secondaires est moins importante que celle des héros ?
Dites-moi dites-moi qu'est-il arrivé à Bouvard et à Pécuchet ? Ce sont pourtant des personnages principaux, eux, non ?
Dites-moi dites-moi pourquoi Stendhal a réussi à terminer son roman en 53 jours et Perec n'a pas fini le sien ? Est-ce qu'il était simplement moins doué ?
Dites-moi dites-moi pourquoi le journal d'Anne Frank s'interrompt brusquement alors qu'elle n'a que seize ans ? Quelle est la suite ? Y a-t-il une suite ?
Dites-moi dites-moi pourquoi le don divin créa les premières tours de la Sagrada Família et pas les dernières ? Est-ce qu'il était fatigué ?
Dites-moi dites-moi, si la fin justifie les moyens, est-ce que le manque de moyens justifie l'absence de fin ? Ou est-ce qu'elle n'a pas besoin de justification ?
Dites-moi dites-moi pourquoi Léonard, ce perfectionniste, a-t-il arrêté de retoucher sa Lisa après dix ans ? A-t-on jamais terminé quoi que ce soit ?
Le soir donna sa lumière.
La nuit vint l'engloutir.
L'aube la renouvela.
Il y eut un matin.
Sixième jour.
Le créateur regarda son œuvre et vit que ce n'était pas si mal.
Il restait quelques détails à retoucher cependant.
Le velouté de la peau était encore trop luisant. La faute à ce fichu enduit qui ne voulait pas sécher. Il faudrait continuer à mettre au point la nouvelle formule à base d'urine de bufflonne. Mais cela ne pressait pas. Il aurait tout le temps de retravailler le glacis après la fin des séances de pose.
Pour le moment, il fallait surtout terminer les parties qui nécessitaient le modèle. Ce rapiat de Giocondo n'avait payé que pour huit séances et on en était déjà à la sixième.
Il restait tout le drapé du voile qui était à peine esquissé, les doigts de la main gauche à reprendre entièrement, et quelque chose dans l'œil droit qui n'allait pas mais qu'il ne parvenait pas à identifier.
Quant à la bouche, c'était une vraie catastrophe. S'il n'arrivait pas à faire prendre à la dame une expression un tant soit peu intéressante aujourd'hui, tant pis pour elle. Il lui masquerait la bouche sous un peu de sfumato et tout le monde trouverait ça charmant. Le sfumato était à la mode cette année-là. Et puis de toute façon, quel risque y avait-il que qui que ce soit aille examiner un jour en détail le sourire de Monna Lisa ?
Nicolas Graner, août 2024, Licence Art Libre