Aller au menu
Aller au pied de page
logo de Le cothurne étroit

Le cothurne étroit

un cothurne très étroit

Point de contraintes fausses !
Mais que pour marcher droit
   Tu chausses,
Muse, un cothurne étroit.

Théophile Gautier, L'Art, in Émaux et Camées (1852).

Écrivains et poètes savent depuis fort longtemps qu'imposer des contraintes à leurs créations en augmente souvent la beauté. Selon Théophile Gautier, la dureté de la matière assure la pérennité de l'œuvre, en poésie aussi bien qu'en sculpture.

Qu'il s'agisse de contraintes formelles, comme celles qui régissent le sonnet et les autres poèmes à forme fixe, ou de contraintes sémantiques, comme la « règle des trois unités » du théâtre classique, la grande littérature regorge d'illustrations du pouvoir de la contrainte arbitraire et librement consentie.

Mais c'est avec l'Ouvroir de Littérature Potentielle (Oulipo) que la contrainte devient un objet d'étude et d'expérimentation systématiques et collectives. Tout en popularisant la littérature à contraintes à travers des œuvres dont la qualité littéraire est incontestable, l'Oulipo ne dédaigne pas les créations plus « potentielles » que « littéraires ». Ces jeux oulipiques peuvent avoir pour objet de suggérer des voies d'approche ou des contraintes nouvelles aux écrivains à venir, de vérifier l'intérêt d'une contrainte sur une échelle réduite avant d'attaquer une œuvre plus importante, d'étaler son savoir-faire en réalisant une prouesse technique, ou plus simplement d'amuser ou d'étonner le lecteur — et, le plus souvent, tout cela à la fois.

Le présent site se réclame résolument de cette approche ludique. Qu'on ne s'attende donc pas à y trouver de la Littérature avec une grande aile. Les textes regroupés ici ont été écrits essentiellement pour le plaisir de les écrire ; ma seule raison pour les mettre à la disposition du public est l'espoir que les visiteurs retrouvent à leur lecture une partie de ce plaisir.

Quand on est obligé d'écrire dans un certain cadre, l'imagination est sollicitée au plus haut point et produit ses meilleures idées. En liberté complète, au contraire, il y a de fortes chances que le travail s'éparpille.

Attribué à T. S. Eliot par Joseph Heller, Interview pour « The Paris Review » (1974).


Nicolas Graner, 1998-2024, Licence Art Libre