Sans qu'en aucun temps je me fusse rendu dans Parme (alors pourtant que ce projet me hanta longtemps au retour de mes vacances pascales), la rencontre de la duchesse, laquelle, sans doute, occupa la plus belle demeure de cette bourgade sans seconde dans laquelle tout a toujours paru semblable, exclue qu'elle fut du reste du monde, entre les reflets de ses murs, dans une touffeur comme celle du jour se mourant sans un souffle sur la placette d'un bourg de la Botte, de son nom compact et trop doux, cela ne put comme je l'eusse cru remplacer tout d'un coup mes songes sans fondement par ce qu'est Parme pour de bon, en une sorte de survenue sans ensemble et sans mouvement; ce fut, dans mon calcul de ces vacances sur les traces du grand Da Castelfranco, comme un commencement de structure pour ce chaos. Marcel Proust, La route de Guermantes.
Nicolas Graner, février 1997, Licence Art Libre