Je ne sais comment vous le dire, mais j'ai bien ressenti hier, au bal, que vous aviez toujours un aussi grand plaisir à me faire danser. Je garde le souvenir de ce délicat baiser et je voudrais que ce soit toujours pour moi une raison d'espérer d'être aimée par vous. Je suis prête à vous montrer mon affection toute désintéressée et sans cal- cul, et vous pourriez sans crainte me voir dévoiler à vos yeux, en confiance, mon âme toute nue si vous veniez me rendre visite. Je vous en prie, venez chez moi, cher ami. Je pourrai me montrer face à vous la femme sincère, qui saura vous offrir l'affection la plus profonde, et aussi la plus étroite amitié, à coup sûr la plus tendre compagne que vous puissiez souhaiter, puisque votre âme est libre. Hélas, la solitude oú j'ha- bite est bien longue, bien dure et souvent triste. De vous en parler je sens ma peine enflée. Accourez donc au plus vite pour me fortifier par vos discours dont je veux me pénétrer tout entière.
Nicolas Graner, juin 2000, Licence Art Libre