Philip, apercevant Bouboulov musant dans son parterre d'œillets, capta son regard et lui fit un signe impérieux signifiant : « Au pied ! » La réponse, « Ouah ouah ouah ! », signifiait « Viens donc me chercher » mais paraissait parfaitement hypocrite. Philip sortit alors une balle de caoutchouc de la poche de sa redingote. Bouboulov fut cette fois nettement intéressé, et le fit savoir avec force aboiements. Son maître fit alors mine d'effectuer un lancer raz-de-terre, puis une passe en cloche, et finalement d'envoyer la balle derrière lui, par-dessous son bras gauche. Le chien, dont la naïveté au cours des ans s'était non pas réduite mais plutôt nimbée d'une épaisse carapace d'indifférence, ne broncha pas. Philip remarqua alors : « Ta condition de chien est inférieure à ma condition d'homme en ce que ta vie même dépend de moi, cependant comment cette infériorité peut-elle se matérialiser si tu n'en as pas conscience ? »
Ce discours fut pour Bouboulov l'occasion de se gratter l'oreille violemment avec la patte de derrière, puis de haleter bruyamment. Se remettant sur ses pattes, il leva ensuite la tête et aboya fermement : « Ouah, ouah ! », à quoi Philip rétorqua « Couché ! »
Bouboulov fit mine d'avoir compris autre chose, aboya en tendant le museau. « Couché ! » Il mit l'arrière-train en l'air, et levant toujours le regard articula un conciliant « Ouah ! – Couché ! »
Le chien se releva alors et partit dans une démonstration de bonds, tout autour de Philip, glacé de contrariété. Il finit par se placer debout sur ses pattes de derrière, pattes de devant appuyées sur les épaules de Philip, qui commençait à paraître bien petit, et hurla « Ouahou ouah ! »
Philip murmura « À la niche ! », et le chien disparut par la porte d'entrée de la maison, laissant Philip au milieu du jardin.
Jocelyn Étienne
Serge et Léon se retrouvent au petit matin sur le pré. L'air est frais et Léon frappe ses bras contre son corps afin de se réchauffer. Serge, déjà en position lui lance, d'un ton mal assuré : si tu veux te battre, dégaine ! Léon sort alors son épée du fourreau.
Très bien lui crie Serge.
Suivent alors trois passes d'armes qui toutes aboutissent à la défaite de Serge, l'épée dans l'herbe.
J'ai gagné, constate Léon.
En garde, crie alors Serge, comme si rien ne s'était passé.
Je t'ai fait la botte de Nevers à chaque fois et tu n'as rien vu, lui dit Léon en souriant.
Ta botte ? Quelle botte ? Tu m'as tourné le dos trois fois comme si tu ne voulais pas te battre, réplique Serge. Allons, en garde !
Repos, lui réplique Léon, tu as perdu.
Perdu ? En quoi j'aurais perdu ? Serge commence à s'énerver.
Tu nous pompes, arrête ! Léon va perdre son sang froid.
Comment ? Tu aurais gagné sans que je m'en aperçoive ? Tu me prends pour un Alzheimer ?
Serge recule alors et semble combattre un adversaire invisible, mouline de taille et d'estoc de tous côtés, tandis que Léon ne bouge pas.
Lâche lui crie alors Serge, je vais t'embrocher, et il se précipite sur Léon, l'épée en avant...
Léon esquive et froidement lui passe son épée à travers le corps en criant : Meurs !
Et Serge ne put qu'obéir, ce qui mit fin à la rencontre.
Hzenon
Alexandre rejoint son amie Bernadette, se disant « Pourvu qu'elle apprécie. »
Bernadette apostrophe Alexandre : « Je me demande si j'ai envie de savoir où tu étais.
– J'étais à la fête foraine et j'y ai gagné ce couteau suisse.
– Bravo, mon chéri ; on va enfin pouvoir découper le rôti du dimanche sans devoir appeler ton père à la rescousse.
– Il coupe très bien, tu sais. »
Pour le prouver, Alexandre tire de sa poche un papier qu'il tranche d'un seul coup, d'abord dans sa longueur, puis dans sa largeur ; et, pour couronner le tout, il réunit les fragments en une liasse qu'il tranche à nouveau. Jetant un coup d'œil sur ce qu'il a en mains, il s'écrie : « C'était une lettre ! »
Bernadette prend en main le couteau et en vérifie le fil.
Dans sa confusion, Alexandre profère une sorte d'exorcisme : « Mais, tu sais, toutes tes lettres sont dans mon coffre-fort. »
Bernadette lève les yeux au ciel, fait mine d'ouvrir le coffre, d'y découvrir quelque secret honteux, finit par dire :
« Montre-moi ça !
– Lis ! »
Bernadette lisant : « week-end à Trouville... Je ne me souviens pas.
– Ah ? Ce week-end d'anniversaire de notre première rencontre !
– Trouville, je n'y suis jamais allée.
– Mais si, ce week-end d'anniversaire de notre première rencontre !
– On s'est connus à Cannes.
– Mais on voulait se reconnaître à Trouville. »
Figé dans l'attitude d'Anubis, Alexandre regarde Bernadette qui se convulse, se révulse, se frappe la tête, court de la table où elle écrivait une lettre à son coffre à bijoux, revient, repart...
« Eh bien, relis, dit-elle ! Quel mal y a-t-il à conserver des lettres tendres de Pierre ?
– Hors de ma vue ! »
Ce qui fut aussitôt fait.
Michel Billard Sirakawa
Grobluz se transbluta délicatement la scholmuze, figroula son archombale et télépathia à Kryandam de rastofler illico.
Pour ne pas avoir d'ennuis, Kryandam se résigna à articuler le commandement n° 91 de la Marghishta.
Grobluz brandit aussitôt son wastroqueur à double szpik que l'autre accueillit d'un ploustichement enthousiaste.
En trois décharges bien calibrées, le wastroqueur lui gerdrouilla le blourgue, la klonde et l'houzigue. « Baki ! » ricana Grobluz, bien que Kryandam poursuivît son échoumure sans en enlever une carimouille.
– Tu croyais me chiflander les arbugonses, poursuivit Grobluz, mais je l'avais prévu depuis longtemps ! Tes vykhnow sont tous déphurbés, tu n'y peux plus rien à présent !
Kryandam phigtourna son glosbur, s'octringea les maglottes, flubra de la crungette et finit par éructer : gazin bichtra !
– Schkrom ! fusa la réponse.
– Schkrom ? répéta Kryandam d'un air dubitatif.
– Schkrom ! réaffirma Grobluz d'un ton sans réplique.
Aussitôt Kryandam se mit à bascrongner autour de Grobluz en se chostyxant les arpistelles, les jocandilles et les vugratolles jusqu'à en perdre connaissance, puis laissa échapper du fond de son coma : gonscre-toi, ou tu vas frupier !
– Zwikkah ! murmura Grobluz, et Kryandam monta dans la lune opaline sans qu'il faille inventer cette fois de machine.
Nicolas Graner
Comme Bérenger approchait, le personnage rouge et joufflu s'agita sur l'écran sous la légende « Je suis Tomate l'automate pour vous servir. » L'énergumène se déplaça vers le bord de l'écran avec des entrechats et afficha : « Insérez votre carte. » Bérenger était justement le porteur d'un valet de trèfle qu'il leva comme pour couper. La machine accepta le pli en clignotant et en bippant. Bérenger réclama trois cent quatre-vingt euros pour son capot, qui lui furent refusés. Il déduisit la part du croupier, revoyant ses prétentions à trois cent vingt euros, qui ne lui furent pas versés. En désespoir de cause, il demanda seulement à récupérer sa mise de quatre-vingts euros, sans être entendu : « Pourriture, c'est plus un jeu ! »
Le pantin solanacé ne tint aucun compte de la réflexion, et poussa vers Bérenger, par la fente prévue à cet effet, une carte. Valet de carreau. « Il est pas encore construit, le bitonio qui va me gonfler comme ça ! Et t'en as rien à foutre, je vois ! » La carte fit plusieurs allers et retours dans l'appareil, avec sur l'écran, l'injonction « N'oubliez pas votre carte. – Crève ! », répondit Bérenger, en accompagnant l'interjection d'un violent coup de tête dans l'appareil. « Insérez votre carte. Reprenez votre carte. Insérez votre carte. Reprenez votre carte. Insérez votre carte. Reprenez votre carte. » répèta celui-ci en passant en revue successivement les trente-deux cartes de la belote, ce dont Bérenger, la tête entre ses mains, prostré au pied de la machine, ne se préoccupait guère. L'automate affolé affichait successivement tous les messages dans toutes les langues prévus par son concepteur, imprima un ticket de compte-rendu d'incident listant les noms, adresses et soldes bancaires de tous ses clients de l'année écoulée et présenta, par l'orifice de sortie des billets, quatre liasses de roubles, de roupies, de rials, de rands, cinq maroquins plein cuir, et un raton laveur, avant de tout ravaler prestement : « Veuillez approvisionner votre compte. Votre banque nous informe que votre solde actuel est insuffisant pour cette opération. – Ferme ta boîte, tas de tôles ! » Le volet de sécurité s'abaissa sur l'automate.
Jocelyn Étienne
En arrivant dans la cour, Lupin jeta un coup d'œil circulaire puis se retourna vers Ganimard et le fixa d'un regard pétillant qui semblait vouloir dire : bah, je ne moisirai pas longtemps ici.
L'inspecteur surprit ce regard et bougonna : paie-toi ma fiole, je te le conseille !
Lupin sortit de sa poche un portefeuille de cuir beige que Ganimard reconnut immédiatement pour celui qu'il avait vainement cherché toute la matinée.
« Tu as donc encore un fond d'honnêteté, gredin ! » s'exclama-t-il, tout à la joie de retrouver son bien.
Il ouvrit fiévreusement le portefeuille, pressé de s'assurer que son contenu s'y trouvait au complet. Profitant de ce moment d'inattention, Lupin sauta prestement sur la branche basse d'un tilleul qui poussait près du mur d'enceinte, puis bondit sur une branche plus élevée, et de là sur le faîte du mur où il s'assit, les jambes pendantes à l'extérieur. « Me voici hors de tes pattes » constata-t-il tranquillement.
L'évasion avait été si rapide que Ganimard, d'habitude fort attentif, ne semblait pas s'en être aperçu, toujours plongé dans l'inventaire de ses papiers.
« Sais-tu où je l'ai trouvé, ton précieux maroquin ? l'interpella Lupin du haut de son perchoir. Sur ton bureau, pendant que tu m'interrogeais. Crénom, quelle imprudence ! Il est vrai que je n'aurais guère eu plus de difficulté à m'en emparer s'il eût été dans ta poche ou dans ton coffre-fort. »
À ces mots, l'inspecteur leva la tête, écarquilla les yeux, grimaça et s'exclama : vas-tu descendre de là !
– Cause toujours, répliqua Lupin.
Cependant, le malheureux Ganimard semblait préoccupé par autre chose que l'évasion de son prisonnier. « N'y avait-il pas un billet de mille francs dans mon portefeuille ?
– Un billet de mille francs ? répondit Lupin.
– De mille, oui.
– En es-tu bien sûr ? s'enquit Lupin.
– Si j'en suis sûr ? répéta Ganimard.
– Oui, es-tu bien sûr que ce billet était dans ton portefeuille ?
– À vrai dire, non, je n'en suis pas si sûr. J'ai tout aussi bien pu le laisser dans mon bureau. Cependant...
– Eh bien, si tu n'es pas sûr qu'il y était, fais comme s'il n'y était pas, conclut Lupin. »
Sur ces mots, il se mit debout sur le mur, agita les bras, effectua une pirouette et atterrit dans la rue.
« Ne t'en fais pas, nous nous reverrons bientôt » cria-t-il de l'autre côté du mur, bien qu'il fût peu probable qu'une nouvelle rencontre entrât réellement dans ses intentions.
« Va au diable » grommela Ganimard tandis qu'il écoutait les pas de Lupin s'éloigner rapidement.
Nicolas Graner
Jean s'agenouilla devant l'autel, se prosterna le front contre terre et se remémora avec effroi les paroles par lesquelles il avait offensé le Seigneur. Au milieu du fracas de l'orage une voix résonna en lui et il entendit ces mots terribles : « sois maudit ! » Il sortit en tremblant le crucifix de sa besace. À cet instant précis un coup de tonnerre plus violent que les autres retentit et la foudre s'abattit à quelques pas de la chapelle. Il porta lentement le crucifix à son front, à ses lèvres et à son cœur, et il sut alors au plus profond de son âme que le Seigneur lui pardonnait. Il murmura : « ô Seigneur tout-puissant, grande est ta miséricorde ». Cependant l'orage ne faiblissait pas et Jean demeura en prière. Il repassa en son cœur tous les mots impies qui avaient offensé le Seigneur et pour chacun de ces mots il offrit une repentance complète et sincère. Alors il entendit le bruit du tonnerre s'éloigner, la pluie cessa de tomber, les nuages s'écartèrent et la lumière du soleil illumina la terre. La voix en lui se fit entendre et dit : loue le Seigneur tout-puissant, et il répondit : amen. Puis la voix énuméra chacun des mots impies qu'il avait prononcés, et à chaque mot Jean affirma à nouveau son repentir sincère. Il leva alors les yeux vers le vitrail au-dessus de l'autel et vit la Gloire illuminer le visage du Christ, et ses mains, et ses pieds, et la Croix tout entière rayonner de mille feux. Il entendit encore la voix en lui mais elle semblait maintenant lointaine, absente, comme si elle parlait depuis un autre monde, et la voix disait : va et ne pèche plus. Amen, répondit Jean. Il se releva. Il n'entendait plus la voix mais la paix du Seigneur était en lui.
Nicolas Graner
Trusquin rejoignit Varlope au fond du magasin et des yeux lui fit signe de passer derrière le rayon laitages. Là, sa copine lui décocha un – Meukaspalec ! qu'il effaça en exhibant le fruit de ses investigations : il sortit de sa poche un préservatif PinkLove parfumé à la fraise, encore dans son emballage. Varlope prise d'un fou rire violent s'étrangla, faisant se retourner les quelques clientes plongées dans l'hésitation entre le demi-écrémé pasteurisé et l'entier stérilisé. Prestement, Trusquin étouffa la manifestation bruyante d'une main collée sur la bouche, tordit le bras de Varlope et lui enfonça dans l'estomac son poing refermé sur le disque caoutchouté, murmurant : – Maintenant t'arrêtes tes conneries et tu te dépêches de faire ce que je te dis.
Varlope, s'élançant dans le magasin, se mit à pousser des cris épouvantables ; riant à gorge déployée elle désignait du doigt une cliente affligée d'une tenue des plus criarde bien que manifestement achetée à grands frais (au discount vestimentaire ouvert 7/7). D'un seul mouvement les quatre caméras de surveillance pivotèrent vers le lieu de l'incident, où convergèrent aussi les deux gardiens vêtus de noir et leurs chiens écumant sous la muselière. Nul ne remarqua le déplacement spiral de Trusquin, transitant par le rayon disque, où il contourna la pile des nouveaux CD de Portman's Koko, par le rayon surgelés où il choisit avec soin les petits pois SuperFreeze en sachet refermable de 800g + 200g gratuits, enfin par le photomaton dont il essaya le siège pivotant.
Dans les écrans bleutés du centre de surveillance on vit soudain paraître Trusquin, qui attrapa Varlope et la secoua, déclarant d'un ton sec : Quand tu ris on dirait une chasse d'eau qui fuit, c'est pas la première fois que je te le dis. Calmée d'un coup la fille blêmit, se tassa, serra les poings, enfin lança : – Meukaspalec ! – Viens ! claqua Trusquin, l'entraînant vers la caisse où il paya rapidement son paquet de petits pois SuperFreeze. Pendant qu'ils passaient le portail coulissant, Varlope n'arrêtait pas de répéter : – ça a marché ? Dis... ça a marché ?
Les deux gamins longèrent la voie rapide où surplaçaient les transformables 5 portes. – alors, ça a marché ? s'impatienta Varlope, et devant le silence de Trusquin, elle se mit à trépigner violemment. Le calme de son copain renforçait la violence de ses gesticulations. Tout à coup des doigts du garçon tombèrent de petites billes vert E141 qui s'éparpillèrent en longs rebondissements sur le trottoir maculé d'huile EnergOil 40 et de crottes de rottweiler. Il avait plongé sa main dans le sachet pour en ressortir les deux CD enveloppés dans la capote. Une odeur de fraise de synthèse arracha un arpège trillé au merle perché sur le panneau « Défense de cracher ». – Putain dit-elle, donne le moi tout de suite sinon t'es un gros malhonnête. Les deux disques furent vite planqués dans les tee-shirts.
– Maintenant on se tire ! sonna l'heure d'aller faire l'exo de chimie pour demain.
Noël Bernard
et Zygène,
enfin libéré,
comme aveuglé par le soleil
au sortir du couloir sinistre de la centrale,
cherche des yeux Lavande, repensant à la promesse échangée voici treize ans
j'y serai
enfin libéré
il l'aperçoit terrée dans l'ombre
il voit ses yeux que lui crie-t-elle il ne l'entend pas
ne sors pas !
enfin libéré
traînant son grand sac de voyage
laissez-le
enfin cette voix
il traverse l'espace entre eux
il traverse l'espace et bascule en même temps
il traverse et son visage un peu se crispe et bascule en fin de course Ils m'ont eu
mon Zygène
enfin libéré
Lavande tient entre ses bras
celui qu'elle a déjà tant pleuré depuis treize ans
il murmure tu sais je n'ai jamais cessé de me souvenir de ton parfum
elle berce
enfin libéré
l'homme qui saigne et qu'elle entoure
aucun son néchappe de ses lèvres qui se tordent
ses larmes sont une prière brûlante elle lit dans ses yeux dans ses yeux gris
garde moi
enfin libéré
ne t'ai-je rêvé nuit et jour
ne t'ai-je mérité par ma patience obstinée
mon amour n'a-t-il pas jour à jour traversé le béton des murs qui t'enfermaient
sur cet homme
enfin libéré
elle presse sa main sa joue
elle imprime en tremblant sa poitrine qui s'oppresse
je t'en prie
enfin libéré
reste fais la route avec moi
il retombe
enfin libéré
sois meilleure
Noël Bernard
Ce poème est un « bigollo », forme décrite sur le site de l'auteur.
Laurel et Hardy sont dans un bateau. Laurel a peur de l'eau, il s'ébroue à bord sans bouée.
Il dit « But Olly... »
Hardy le toise, il se tait. Lautre lui lance :
« Laurel, stop waving your arms! Or this lady will notice us. »
« Hey, look at my sock, it's soaked! ». Laurel lextrait de son pied et l'essore.
« Sure, Stan, this is a good bait! But for a fish, hide it. »
Laurel regarde sa chaussette, la fait tournoyer et la remet à son pied. Hardy fulmine et danse dangereusement sur la barque.
« Oooh, Oliver, I didn't want to make you angry! »
« Its okay, Stan. » Hardy se résigne, puis sagite à nouveau :
« Stan, look at that lady, she is looking at me! ».
« You know I can't swim? Okay, you know... ». Mais la barque tangue toujours.
« Mmh, mmh (ses commissures et ses sourcils font des va-et-vient). Stop complaining, she's looking at us. »
« Ooooh, no! » S'ensuit un plouf.
« Stan? Are you there? Stan? »
Hardy s'affole, mais brasser de l'air ne sert à rien.
« Hey, Oliver! I'm hanging there! »
« Shhh! Stay quiet! I'm waving the lady. »
« But Oliver, I'm drowning! »
« Oh, Stan, she's waving back at me! ».
Wanda-Lou Zy
L'inspecteur Marjollet fait asseoir Madame Miclaud. Un simple regard suffit pour que l'inspecteur se dise, celle-là, je vais me la cueillir à froid !
« Je veux fumer » dit Madame Miclaud « si cela ne vous dérange pas.
– Faites. Je vous ai apporté ceci Madame Miclaud, une orange ! Voyez-vous, une orange, c'est un fruit succulent, ça peut devenir une nature morte, mais aussi un instrument de mort !
– Vous me faites rire inspecteur ! Quoi donc, j'ai volé l'orange du marchand ?
– Pas d'humour ! On est dans une tragédie ici ! Voyez cette orange, je l'épluche, voilà, je la partage en deux, je détache un quartier (Madame Miclaud se sent oppressée), le 22 février dernier, Mademoiselle Pellerin, mange un quartier de ses oranges et s'effondre. Empoisonnement Madame Miclaud ! Je vous vois pâlir ! Nous connaissons par ailleurs les liens qui unissent votre amie à votre mari...
– Là, c'est vous qui plaisantez, inspecteur ! Christine certes en mangeant une orange s'est effondrée, mais tout simplement suite à une crise cardiaque, reconnue médicalement ! Et je n'ai aucun doute sur sa loyauté, vous faites erreur !
– Nos laboratoires ont décelé des traces de poison injecté dans l'orange fatidique, vous ne semblez pas me croire pourtant je... (Madame Miclaud serre les dents, baisse les yeux, les relève)
– Arrêtez ces attaques gratuites, inspecteur !
– Ah certainement pas ! Parlez !
– Écoutez inspecteur, je ne me souviens même pas d'avoir vu des oranges chez Christine ! Y en avait-il le 22 des oranges chez elle, je ne sais pas, ces oranges qui sont traitées à mort, enfin, je veux dire... »
Marjollet se lève, allume une cigarette, fait quelques pas vers la fenêtre, saisi d'une agitation qu'il ne peut maîtriser, sous l'œil impassible de Madame Miclaud qui reste de marbre.
« Madame Miclaud, des voisins vous ont repérée ! Dans votre sac à main vous aviez poison et seringue... j'imagine...
– Arrêtez votre roman policier inspecteur !
– Vous êtes forte ! Mais je détruirai vos murailles, on reprend tout demain à dix heures ! »
Gérard Legoff
Estragon pousse sur la tige de sa botte, tire sur la pointe, pivote le talon, force la semelle, sautille autour de Vladimir et jure intérieurement nom de Dieu de nom de Dieu de nom d'un chien. Vladimir intime : « Assez ! » Estragon sort alors de la poche de son veston un chausse-pied, ayant également fonction de déchausse-botte et cure-intervalle-d'orteils. Vladimir s'enthousiasme : « Hump. » Estragon a le coup de patte folle pour faire usage de son instrument, il en fait levier contre son tendon d'Achille, contre sa malléole interne, contre son cou-de-pied et celui-ci part tout seul, dégageant la chaussure et l'outil. Celui-ci, mû par la libération d'une énergie élastique considérable, vient heurter Vladimir au chapeau. « Tu vas être en colère ? », demande Estragon, sans obtenir de commentaire. « Tu dois savoir que nous sommes ici à la demande de qui tu sais, pour l'attendre, mais évidemment cela ne change rien à la chose. », reprend-il en quittant l'autre botte. « Tais toi donc. – Parle, toi, alors. – Assez ! Assez. Asse. Il faut que tu asses. Assons. Asseyons-nous. » Il entreprend de s'asseoir. Trouvant les bottes d'Estragon sur la pierre qui constitue la seule éminence de la scène, il se penche, pour, l'une après l'autre, les déposer au pied de l'éminence, sous le regard, narquois, d'Estragon. « Assieds-toi donc ! D'autres louent leur fauteuil, pour toi c'est offert par la maison. Tu es même payé chichement pour cela. – Va voir en coulisse si Godot y est. »
Avec un regard buté, Vladimir sort. Estragon s'asseoit. Aux premières lueurs du jour, les derniers membres du public sortent du théâtre, chassés par le balai de l'homme d'entretien. Le rideau tombe.
Jocelyn Étienne
© Nicolas Graner et les auteurs – avril 2013