Cet oiseau miaule-t-il pour donner le change au chat qui se pourlèche sur l'échauguette du château ?
Ou raille-t-il le serpent qui siffle au sol sans espoir de s'approcher de son nid ?
Ou ne carcaillerait-il pas plus crânement s'il ne craignait d'écraser la fragile coquille de ses œufs ?
Ou pituite-t-il à tue-tête sa terrible trompette pour attirer la troupe qui l'attend tout en tas ?
Ou nasille-t-il naïvement dans la nuit comme un nain nageant dans le noir, négligé et nu ?
ma minette
mignonette
choupinette
OUIIIN !
ma mignonne
pelotonne
édredonne
ARRRRG !
ma si belle
ma donzelle
mon oiselle
ma gazelle
MAAAAOUUUUU !
c'est bon
allons
faire ton
biberon
« Il va sûrement pleuvoir.
— Peut-être cet après-midi mais pas maintenant.
— Il va sûrement pleuvoir avant la fin de la matinée.
— Cet après-midi peut-être mais pas ce matin.
— Mais si.
— Mais non.
— Mais si.
— Mais non.
— D'ailleurs il a déjà plu cette nuit alors...
— Cette nuit je n'ai rien entendu.
— Pourtant il a plu en fin de nuit.
— Au milieu de la nuit peut-être mais pas en fin.
— Mais si.
— Mais non.
— Mais si.
— Mais non.
— Tu n'as rien entendu parce quetu dormais.
— Quand je me suis réveillé il ne pleuvait pas.
— Quand tu t'es réveillé il ne pleuvait plus.
— S'il avait plu avant ça m'aurait réveillé.
— Mais non.
— Mais si.
— Mais non.
— Mais si.
— Mais non.
— Mais si.
— D'ailleurs ça y est il commence à pleuvoir.
— Il ne pleut pas je n'ai rien senti.
— Il commence à pleuvoir tu vas bientôt le sentir.
— S'il commençait à pleuvoir je l'aurais déjà senti.
— Mais non.
— Mais si.
— Mais non.
— Mais si.
— Mais non.
— Oh et puis flûte tu m'emmerdes à me contredire tout le temps si c'était pour me dire ça que tu es venu me voir tu pouvais rester chez toi et d'ailleurs tu ferais bien de rentrer vite fait si tu ne veux pas te faire mouiller. »
Coucourlirondelle
tu dois sans cesse t'enfuir
hybride abattu.
* * *
Élan, ô élan,
tu es aussi beau et lent
que le goéland.
* * *
Les cris de la mouette,
le vol libre de l'alouette,
les yeux de la chouette.
* * *
Le chaos déferle
quand les moules font des perles,
les poules des merles.
Oh, comme il fait beau !
L'air est pur, la route est large.
On est très heureux.
Oh, comme il est beau !
L'œil est pur, la bouche est large.
On va s'amuser.
* * *
Les oiseaux sont beaux.
Un oiseau que j'aime bien,
c'est la bartavelle.
Les oiseaux sont cons.
L'animal que j'aime bien,
c'est l'hippopotame.
* * *
Va dans le jardin
me cueillir du romarin,
joli rossignol.
Va dans le frigo
me chercher du panaché,
et dépêche-toi.
* * *
Le merle moqueur
m'a volé quatre cerises,
mes pendants d'oreilles.
Le voisin moqueur
m'a volé une brouette,
je me vengerai.
Émission de radio de 55 minutes
Mes forêts sont discrètes, elles se laissent traverser par le murmure du vent, le chuintement de quelques insectes, tandis que leur léger humus se refuse à nourrir la foule bruyante des grands mammifères.
Mes forêts sont ancrées par les racines de la terre dans le silence accueillant d'un ruisseau qui jaillit par la déchirure irréversible d'un rocher dressé vers le ciel.
Mes forêts sont des déchirures, côté ocre et côté sombre.
Mes forêts sont des ouvertures, envers des feuilles, humus coupé.
Mes forêts sont irrémédiables, rochers dressés à l'infini.
Mes forêts sont impardonnables, bêtes avalées par l'été.
Mes forêts sont ancrées en terre sous l'horizon de ta peau.
Mes forêts sont contestataires.
Mes forêts savent aussi se taire.
Quand la mer monte, le bulot descend. Il pointe le groin hors de la bonbonne qui lui tient lieu de maison et tend l'oreille au murmure de la houle. Assuré qu'aucun vol d'éléphants migrateurs ne menace son fragile environnement, il se glisse avec précaution à travers son entonnoir quelque peu bricolé et progresse tel un ectoplasme, un petit bout de chandelle dans la main droite, jusqu'au pied de l'arbre dans les branches duquel il a jalousement caché son dernier morceau de clafoutis. Perché sur une feuille orangée, il déguste le délicat collage de bigarreaux vermillon en murmurant in petto : « Dieu, que j'aime le silence ! »
Heureusement que le bateau était solide.
Malheureusement il prenait l'eau.
Heureusement qu'il y avait des gilets pour tout le monde.
Malheureusement ces gilets n'étaient pas jaunes mais orange.
Heureusement qu'ils flottaient tout de même.
Malheureusement d'énormes vagues submergèrent le bateau.
Heureusement qu'on était tout près de la côte.
Malheureusement il n'y avait rien à manger dans le bateau.
Heureusement qu'il y avait des filets de pêche.
Malheureusement les crabes avaient déserté la région.
Heureusement qu'il restait quelques morues.
Malheureusement ils détestaient ça.
Heureusement ils étaient aussi ivres que leur bateau.
Malheureusement Rimbaud n'était pas à bord.
Assis au pied d'un bouleau
haut,
je regarde les sapins
peints
par les gens de l'atelier,
liés
à leur table de travail,
vaille
que vaille. Je te contemple,
ample
image d'un paysage
sage
où ne paraît nul reflet
laid
en dépit de quelques sombres
ombres
qui dans le lointain alternent,
ternes,
avec les feux d'un illustre
lustre.
Tentant de fuir la lumière
erre
une sorte de fantôme :
homme
ou bête, qui le dira ?
Rat
qui dévore ou, tel l'aspic,
pique ?
Appuyé à mon bouleau
haut
je me réveille en sursaut :
sot
que je suis ! Ce jour maudit
dit
que je m'en vais terminer
miné.
Sur la plage humide,
un homme cherche à pas lents
des coquilles vides.
Dans son panier blanc,
moules, bulots et palourdes
tintent en tremblant.
Cette clameur sourde
résonne en un triste glas
dans mon âme lourde.
Je me sens si las,
vague sans eau, coque creuse,
quand tu n'es pas là.
Chanson ténébreuse
d'un cœur veuf, inconsolé
dans la nuit ombreuse.
Sur le sable ourlé,
le reflux sculpte des rides ;
je reste esseulé.
Grangaud
pasteur ardéchois
traduisit la Bible
en fumant sa pipe
Jules
* * *
Grangaud
pasteur ardéchois
jouait du violon
en fumant sa pipe
Jean
* * *
C'est un pied
en acier
qui fit un rentier
de Pierre Vernier.
* * *
Marie, en
ses quinze ans,
quitta ses parents
et prit un amant.
* * *
Antoinette Brune,
En femme d'esprit,
Géra la fortune
De son feu mari.
* * *
Mille huit cent vingt-sept,
mille huit cent quatre-vingt-douze :
c'est Pierre Grangaud,
qui prit part à la Commune
et mourut à Nouméa.
Nicolas Graner, août 2025, Licence Art Libre