Tolstoïen
Ivan Grossousoff Desditch, prince du district d'Aquitovo-Vosnovensk, avait de tout temps mené une vie de barodchez1, dilapidant les biens hérités du majorat de sa mère Selma Christeva Lagerloff, comme la fameuse tour Guenieff du palais des Grossousoff.
Single* depuis la mort de sa petite étoile, Atchitchornia Salicila Demétyl, son épouse bien aimée, Ivan Desditch était d'abord resté sombre, comme coupable de ne pouvoir se consoler par des peccadilles qui lui inspiraient d'ailleurs de lui-même un profond sentiment de ragoudcha2 : le spleen*. Il y avait de quoi car Salicila Demétyl s'était pendue avec les cordes de son luth dans le cimetière des musiciens au bout de la perspective Nevski, sur la tombe de Mily Balakirev, en pleine nuit du Bolchoï3.
Doublement ruiné, Ivan Desditch dut reprendre son travail de sectateur de musique et voulut regagner les pertes au jeu que lui avait fait subir Ivan Désandvich Alagar, son collègue, ami — qui l'avait consolé lors de son deuil — et créancier. Ivan Desditch avait, en effet, perdu ses terres de la commune de Pausilippe, près de Tienvlamédor et les étangs d'Italazoff, les jardins de Tchernobyl et les bois de Rosmarin aux fines odeurs de goghs4. Mais Igor Kidine ne se souvenait plus à qui il avait vendu ces biens ou même donné un soir de beuverie entre musiciens : Pavel Chesnocov ou Igor Borodine, Nicolaï Korsakov ou Vassily Titov ? « That was the question ».* Qu'importe, Ivan Desditch qui se prenait pour l'un ou l'autre de ces labadens* s'était réorganisé pour vivre sans déplaisir et se divertir de manière décente comme il se doit à un prince khonar5. Il eut donc une liaison avec Régina Kamtchatka dont il eut à rougir car la dame, provinciale et d'origine subalterne malgré son prénom, ne voulait que flatter le jeune Dhart6. Ensuite une fraternisation au nom de la Sainte-Croix avec des « sœurs de joie »* également de modeste origine — dites les six reines — dans les grottes de Saint-Basile de Koch.
Jusqu'au jour où Ivan Desditch souffrant de la solitude et du tragique de ce monde assujetti aux énormités tsaristes décida de refranchir le fleuve Amour pour établir des relations musicales avec des jeunes filles de son milieu. Il eut à choisir entre Fescovia Féodor Féodovna, une sainte, dont les Khopul7 l'agaçaient un peu et une véritable fée, Ella Dubov Fornicatrich dont les cris au cours de leurs catleïas8 l'effrayaient prou*.
Mais le procédé des ménages, les caresses conjugales des premiers temps ne purent assouvir la passion de la moujik* chez Ivan Desditch qui se plut à méditer la parole de l'Évangéliste, qui a dit : « Celui qui ne peut vivre avec un petit pied n'aura pas droit au pied qu'il mérite ». Les six reines, Régina, Fescovia et Ella Dubov occupèrent alors une grande partie de ses nuits,
Il accrocha alors à la porte de sa barak9 l'icône d'un soleil noir, afin d'éloigner quelques popes obtus.
Géron Léard Nertoï comte de Tolsval
Traduit par Alanov Raphaëlovitch Zalmansky
[1] Petit bourgeois.
[2] Dégoût.
[3] Nouvel an orthodoxe (6 janvier grégorien, 22 décembre julien).
[4] Santal.
[5] Bon enfant.
[6] Noble.
[7] Soupirs.
[8] Conversations.
[9] Datcha en forme d'isba, mais plus confortable et chauffée grâce à une étable contiguë (système EBS).
* En français dans le texte.
Pastiche de Léon Nikolaïevitch Tolstoï (1828-1910).
© Alain Zalmanski – 2000