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Avatars de Nerval

Holmesien

Edmond Robaye

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Voir aussi :
Durassique
Épistolaire
Michalien
Proustien
Quenien
Rabelaisien
Tolstoïen

L'Affaire du Pausilippe

C'était par une pluvieuse après-midi de novembre.

D'affreux sons musicaux provenant de la chambre de Holmes s'interrompirent brusquement et il fit irruption dans notre living.

— De quel horrible instrument jouiez-vous, Holmes ? Votre Stradivarius ne vous plaît plus ? lui demandai-je.

— Avez-vous donc oublié, mon cher Watson, que mon violon était chez le luthier ? J'en profite pour m'initier à un instrument fort intéressant qui devrait me servir lors d'une prochaine enquête dans les quartiers populaires de Paris où je compte me déguiser en musicien de rue...

— Et comment appelez-vous cet objet, je vous prie ?

— Un accordéon mon cher. Vous devriez vous... Mais j'entends notre bonne Madame Hudson ouvrir la porte. Je pense qu'elle va introduire ici quelqu'un qui se prend pour un prince, qui est désespéré et qui va demander notre aide.

— Comment diable avez-vous deviné tout cela ?

— Votre fraîcheur d'âme et votre naïveté m'étonneront toujours, mon cher. Si je sais tout cela, c'est simplement parce que notre client me l'a câblé pas plus tard que ce matin, en m'annonçant sa visite pour 17 heures précises. Vous voyez que vous exagérez toujours lorsque, dans vos écrits, vous faites état de mes qualités de déduction.

Il faudra d'ailleurs que vous me disiez un jour pourquoi vous signez « Conan Doyle » et non « John Watson ». Auriez-vous honte de votre patronyme ?

J'allais lui répondre vertement lorsqu'un homme, tout vêtu de noir, hagard et l'air désemparé se précipita plutôt qu'il n'entra dans la pièce.

— Je vous en supplie, Monsieur Holmes, aidez-moi ! je n'en puis plus.

— Du calme, mon ami, dit Holmes, prenez place dans ce fauteuil et expliquez-nous le motif de votre visite. Voulez-vous nous rappeler votre nom ?

— Hélas, Monsieur Holmes, je n'en sais plus rien et c'est une des raisons de ma venue ici. Mon passeport indique que je m'appelle Biron Lusignan mais une Reine m'appelle Amour et une Fée me nomme Phébus. Qui croire ? Je suis d'autant plus désorienté que, lorsqu'on m'appelle Phébus, je vois un soleil tout noir qui me rappelle une éclipse vue dans mon enfance...

— Voilà qui est prodigieusement intéressant, dit Holmes. Vous souvenez-vous des circonstances de cette éclipse ?

— Il me semble, dit l'homme, que cela se passait sur une colline, près de Naples. J'étais à l'entrée d'une caverne avec non plus une, mais six Reines... Oui... Six Reines sortant d'une grotte... elles me baisaient le front... oui, je crois bien que c'était le front... j'étais rouge de honte, et puis... et puis... je ne sais plus... dit-il en sanglotant.

— Rentrez chez vous et reposez-vous, dit Holmes avec bonté. Vous aurez bientôt de bonnes nouvelles, je m'en porte garant.

— Que Dieu vous entende, Monsieur. Je vous en serai reconnaissant toute ma vie...

Et il prit congé, avec force remerciements et salutations.

— Voilà, dit Holmes, un des cas les plus étranges que j'aie jamais rencontré dans ma carrière. Notre client a manifestement subi un traumatisme violent dans son enfance et il en est résulté le problème d'identité qu'il vient de nous raconter. Je viens de lire la relation des travaux révolutionnaires d'un jeune médecin viennois dont j'ai oublié le nom mais qui nous aideront beaucoup dans notre enquête... Nous partons pour l'Italie ! Connaissez-vous le Pausilippe ?

— Non, dis-je naïvement. C'est un peintre du Quattrocento ?

— Voyons Watson ! C'est la colline à laquelle notre visiteur a fait allusion il y a dix minutes !

— C'est bien à vous de me reprocher cette ignorance, vous qui vous moquez de savoir si la terre est plate ou sphérique !

— Tut tut, Watson, la sphéricité éventuelle de la terre n'a effectivement aucune importance pour mener à bien mes enquêtes, mais vous verrez que la connaissance du Pausilippe et de son histoire nous sera d'un grand secours. Allons préparer nos bagages et appelez un fiacre, voulez-vous ?

— Et votre monographie sur la fréquence des palindromes dans l'œuvre de Gérard de Nerval ?

— Elle attendra, dit-il joyeusement. En route, Watson, et n'oubliez pas votre revolver.

(à suivre)

Conard de Nervoyle


Pastiche de Sir Arthur Conan Doyle (1859-1930).


© Edmond Robaye – 2002