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Retour vers Le cothurne étroit

Diomira, une ville invisible (2007)

En 2007, Zazie mode d'emploi a proposé de jouer avec le texte suivant :

En partant de là et en allant trois jours vers le levant, l'homme se trouve à Diomira, une ville avec soixante coupoles d'argent, des statues en bronze de tous les dieux, des rues pavées d'étain, un théâtre en cristal, un coq en or qui chante chaque matin sur une tour. Toutes ces beautés, le voyageur les connaît déjà pour les avoir vues aussi dans d'autres villes. Mais le propre de celle-ci est que si l'on y arrive un soir de septembre, quand les jours raccourcissent et que les lampes multicolores s'allument toutes ensemble aux portes des friteries, et que d'une terrasse une voix de femme crie : hou !, on en vient à envier ceux qui à l'heure présente pensent qu'ils ont déjà vécu une soirée pareille et qu'ils ont été cette fois-là heureux.

Italo Calvino — Les villes invisibles (Seuil), traduit de l'italien par Jean Thibaudeau

Toutes les contributions sont visibles sur le site Zazipo. Les miennes sont également reproduites ci-dessous.


Si on part de là et qu'on va trois jours vers l'est, on est à Diom, un bourg où l'on voit cent toits de plomb, des vues de tous les dieux en fer, des rues au sol de zinc, un zoo tout en sel de roc, un coq en or qui crie au point du jour sur sa tour. Tous ces biens si beaux, ceux qui ont fait le tour des mers les ont vus dans maints bourgs. Mais il n'y a qu'à Diom que, si l'on s'y rend un soir de la fin d'août, quand les jours se font plus courts et que les becs de gaz verts et bleus sont mis à feu tous à la fois aux murs des fish and chips, et que du haut d'un toit la voix d'un gars crie : hou !, on en vient à ce point, qu'on en veut à ceux qui en ce temps croient qu'ils ont vu il y a peu un tel soir et qu'ils ont eu ce jour-là de la joie.

Hie Tas Lot Cal Vit Nos — Les bleds qu'on ne peut pas voir (Seuil), mis en bon Franc par Jean Tee Beau Dos

Tous les mots ont une seule syllabe.


À trois jours de là dans la direction du levant, Diomira, une ville avec soixante coupoles d'argent, des statues en bronze de tous les dieux, des rues pavées d'étain, un théâtre en cristal, un coq en or sur une tour et son chant, chaque matin, toutes beautés déjà connues du voyageur, visibles aussi dans d'autres villes, mais cependant différentes en celle-ci, lors d'une arrivée par un soir de septembre, les jours déjà bien courts, l'illumination en un instant de toutes les lampes multicolores aux portes des friteries, le cri poussé d'une terrasse par une voix de femme — hou ! — et finalement une sorte d'envie du souvenir à l'heure présente d'une soirée pareille déjà lointaine et, cette fois-là, le sentiment du bonheur.

Italo Calvino — Les villes invisibles (Seuil), traduction de l'italien par Jean Thibaudeau.

Le texte se compose d'une seule phrase, sans verbe.


En s'en allant de là et en marchant trois jours
vers le levant, enfin l'homme atteint Diomira,
une ville comptant cent coupoles d'argent,
des effigies d'airain de tous les dieux connus,
des rues pavées d'étain, un théâtre en cristal,
un coq en or chantant le matin sur sa tour.
Ces beautés sont déjà connues du voyageur
qui les a vues aussi dans beaucoup d'autres villes.
Mais il n'y a qu'ici que, si l'on y arrive
en septembre, le soir, quand les jours raccourcissent
et que tous les lampions s'allument à la fois
devant les friteries, et que d'une terrasse
on entend une voix de femme crier : hou !,
on en vient à envier ceux qui à présent pensent
qu'ils ont déjà vécu une soirée pareille
et qu'ils avaient été cette fois-là heureux.

Italo Calvino, Les villes invisibles, traduit de l'italien par Jean Thibaudeau (Seuil).

Texte composé en alexandrins.


En partant de là et en allant trois longs jours vers le mystérieux levant, l'homme surpris se trouve à Diomira-la-Merveilleuse, une ville étonnante avec soixante vastes coupoles d'argent poli, d'immenses statues en bronze doré de tous les dieux immortels, des rues pavées d'étain luisant, un somptueux théâtre en cristal limpide, un coq mécanique en or massif qui chante chaque nouveau matin sur une haute tour. Toutes ces saisissantes beautés, le voyageur blasé les connaît déjà pour les avoir vues aussi dans d'autres villes lointaines. Mais le véritable propre de celle-ci est que si l'on y arrive un triste soir de septembre pluvieux, quand les jours blafards raccourcissent et que les lampes multicolores s'allument toutes ensemble aux portes béantes des friteries enfumées, et que d'une terrasse invisible une voix rauque de vieille femme crie : hou !, on en vient à envier ceux qui à l'heure présente pensent qu'ils ont déjà vécu une soirée pareille et qu'ils ont été cette fois-là heureux.

Italo Calvino — Les villes invisibles (Seuil relevé), traduit de l'italien original par Jean Thibaudeau

Chaque substantif est accompagné d'un adjectif épithète.


En prenant du champ durant trois jours vers le levant, l'homme, à l'écart, a découvert Diomira, une ville avec soixante coupoles peu ou prou bordées d'argent, de grands golems en bronze de tous les démons, quelques rues pavées d'étain, un théâtre orné par Rubens mais taillé dans un cristal de roche mythique, beau, doux, un coq d'ébène à bouche d'or dont le chant berce l'arrivée du matin sur une tour du château de l'Escurial. Toutes les émotions que cet art noble attise, il en est de semblables à Vienne ou dans d'autres villes que notre voyageur recensa longuement et dénombra fort soigneusement. Mais le propre de celle-ci est que si l'on s'y enfourne et la pénètre un soir de septembre, à l'heure où le lion est en chasse, et que le regard est attiré comme s'il était lié par les lampes multicolores s'allumant toutes ensemble aux portes des auberges, et que d'une terrasse s'échappe, magnifique, une voix de femme forte et enjouée qui crie : hou !, on en vient à envier ceux qui à l'heure présente savent ce que valent de pareilles soirées et tiennent encore à espérer connaître le bonheur.

Italo Calvino — Les villes invisibles (Seuil), traduit de l'italien par Jean Thibaudeau

Les noms de presque tous les membres de l'Oulipo apparaissent phonétiquement. Dans l'ordre : Duchamp, Caradec, Roubaud, Grangaud, Monk, Bens, Métail, Schmidt, Beaudouin, Bénabou, Chambers, Duchateau, Lescure, Arnaud, Latis, Blavier, Queneau, Salon, Braffort, Fournel, Le Lionnais, Garréta, Le Tellier, Berge, Chapman, Forte, Jouet, Queval, Étienne, Perec, Calvino. Excusés : Cerquiglini, Mathews, Pastior, Rosenstiehl.


Nicolas Graner, 2007, Licence Art Libre