En 2025, Zazie mode d'emploi a proposé de jouer avec le texte suivant :
Mœurs des maliettes, pensa Jacquemort. Qui les étudiera ? Qui saura les décrire ? Il faudrait un gros livre, sur papier couché illustré d’eaux-fortes en couleurs, dues au burin fertile de nos meilleurs animaliers. Maliettes, maliettes, que n’approfondit-on pas vos mœurs ! Mais las, qui jamais en prit une, maliettes couleur de suie, au poitrail rouge, à l’œil de lune, aux cris légers de petite souris. Maliettes qui mourez dès qu’on pose sur vos plumes impalpables le doigt le plus léger, qui mourez pour la moindre cause, lorsqu’on vous regarde trop longtemps, lorsqu’on rit en vous regardant, lorsqu’on vous tourne le dos, lorsqu’on enlève son chapeau, lorsque la nuit se fait entendre, lorsque le soir tombe trop tôt. Maliettes subtiles et tendres dont le cœur occupe, à l’intérieur, toute la place où les autres bêtes logent des organes banals.
Boris Vian, L’Arrache-cœur, 1953. Chapitre XXI, 28 octembre.
Pour la première fois, l'auteur choisi par Zazie n'est pas un membre de l'Oulipo. Il l'aurait peut-être été s'il n'était décédé un an avant la création de l'Ouvroir.
Toutes les contributions sont visibles sur le site Zazipo. Les miennes sont également reproduites ci-dessous.
Maliette
Quand j'ai voulu décrire les mœurs inconnues de Maliette,
Un gros livre est paru de nos meilleurs animaliers.
Avec mon p'tit carnet j'avais l'air d'un con, Jacquemort,
Avec mon p'tit carnet j'avais l'air d'un con.
Quand j'ai voulu palper les plumes légères de Maliette,
La bête au poitrail rouge a poussé des cris de souris.
Avec mon doigt tendu j'avais l'air d'un con, Jacquemort,
Avec mon doigt tendu j'avais l'air d'un con.
Quand j'ai bien rigolé en regardant longtemps Maliette,
Son œil couleur de lune s'est refermé à tout jamais.
Devant son dos tourné j'avais l'air d'un con, Jacquemort,
Devant son dos tourné j'avais l'air d'un con.
Quand j'ai voulu sortir le foie et les reins de Maliette,
Je n'ai trouvé qu'un cœur subtil et tendre à l'intérieur.
Avec mon bistouri j'avais l'air d'un con, Jacquemort,
Avec mon bistouri j'avais l'air d'un con.
D'après la chanson Marinette de Georges Brassens.
Us du mal-y-être, se dit Jack More. Qui les voit ? Qui sait les dire ? Je rêve pour cela d'un gros opus bien mis en page, orné de vues en noir et or dues à la main sûre d'un sage féru d'art et de bête. Mal-y-être, mal-y-être, que n'en dit-on plus sur tes us ! Mais las, qui en a déjà pris un, mal-y-être paré de suie, au sein roux, à l'œil de lune, aux doux cris de bébé rat. Mal-y-être qui pars dès qu'on pose sur ton poil si fin la main la plus soft, qui pars pour le fait le plus ténu, si l'on te voit dans un laps trop long, si l'on rit de te voir, si l'on ne te fait plus face, si l'on ote son bibi, si la nuit se fait ouïr, si le soir s'abat trop tôt. Mal-y-être rusé et doux dont l'âme gît, au fond de toi, dans tout le vide où une bête loge son foie ou son rein.
Bris Vian, L'Ote-foie, 1918. Tome XI, 18 muin.
Nul mot ne fait cinq ou plus de long.
Marginalisation des minorités, pensa Jack Smith. Qui les exclura ? Qui saura les diversifier ? Il faudrait un genre de LGBT, sur une politique culturellement appropriée inclusive d'énergie propre en communauté diversifiée, due au biais féministe de nos marginalisés activistes. Minorités, minorités, que n'accroît-on pas la diversité de vos marginalisations ! Mais las, qui jamais en polarisa une, minorités centrées sur la personne sous-appréciée, au préjugé racial, à l'orientation de leadership inclusif, aux compétences culturelles LGBTQ de personne enceinte sous-représentée. Minorités qui marginalisez dès qu'on privilégie sur vos prostituées intersectionnelles le discours de haine le plus LGBT, qui marginalisez pour la communauté autochtone mal desservie, lorsqu'on vous racise trop latinx, lorsqu'on racialise en vous racisant, lorsqu'on vous traumatise la disparité en matière de santé, lorsqu'on met en danger sa communauté diversifiée, lorsque la non binaire se fait équitable, lorsque la santé mentale traumatise trop transgenre. Minorités socio-économiques et tribales dont la crise climatique opprime, à l'invalidité, toutes les populations vulnérables où les autres barrières logent des orientations basées sur le genre.
Chaque mot signifiant a été remplacé par un mot ou une expression interdite sur les sites de l'administration Trump, en conservant la même initiale. La liste des mots interdits a été traduite en français par le média Vert.
Habitudes des maliettes, réfléchit Jaquemort. Qui les examinera ? Qui obtiendra de les dépeindre ? Cela exigerait une plaquette imposante, sur parchemin travaillé, illustrée de vignettes bigarrées produites par la guilloche inventive de nos meilleurs fauvistes. Maliettes, maliettes, que ne considère-t-on pas vos habitudes ! Mais, amèrement, qui autrefois en séquestra une, maliettes coloriées de poussière, aux poitrails écarlates, aux quinquets séléniens, aux chuchotis douillets d'adorables gerbilles. Maliettes qui succombez dès qu'on abandonne sur votre chevelure duveteuse l'annulaire le plus arachnéen, qui succombez à des occasions minimales, lorsqu'on vous contemple trop longtemps, lorsqu'on plaisante en vous regardant, lorsqu'on ne vous manifeste plus d'attention, lorsqu'on se dépouille de sa casquette, lorsque l'obscurité se fait grondante, lorsque l'après-midi se décompose trop nettement. Maliettes raffinées et délicates dont le palpitant emplirait, à l'intérieur, toute la dimension que les bestioles vulgaires réservent à la mécanique ordinaire.
Borisvian, L'Arracheur, cinquante-troisième millésime.
Tous les mots signifiants comptent neuf lettres.
Moeurs des maliettes ? Interviewez-la, répond Jacquemort.
On poste sa figure fragile à yeux lunaires dans un habit bolchevik.
Panscrabblogramme, texte composé avec les 102 lettres d'un jeu de Scrabble français (les jokers remplacent un R et un S).
Conduite de maliette, pense Jacquemore. Quelle personne étudie ce thème ? Quelle personne se targue de le décrire ? Je propose quelque vaste ouvrage composé de feuille couchée, illustré de gravure colorée, œuvre de notre meilleure peintre animalière, Maliette, maliette, que ne scruté-je votre conduite ! Je désespère de prendre votre semblable, maliette teintée de suie, votre poitrine rouge, votre prunelle de lune, votre faible plainte de petite musaraigne. Maliette que toute vie abandonne lorsque se rapproche de votre plumage impalpable quelque auriculaire gracile, que le moindre prétexte foudroie, lorsque notre surveillance dépasse une minute, lorsque le rire accompagne cette surveillance, lorsque notre vue se détourne de votre face, lorsque quelque personne se découvre, lorsque certaine obscurité se laisse entendre, lorsque le crépuscule tombe vite. Maliette subtile, tendre, votre muscle cardiaque occupe le volume de cette cavité interne que toute autre bête encombre de matière organique banale.
Une lettre E termine chaque vocable de ce texte.
Mœurs des maliettes. Jacquemort est dans le jardin et voit des maliettes. Il demande qui est-ce qui les étudiera. Il demande qui c'est qui saura les décrire. L'animalier dit qu'un livre est un livre. Jacquemort prend du papier couché et dit animalier grave-moi une eau-forte. L'animalier prend le burin et donne six eaux-fortes à Jacquemort. L'animalier colorie le livre et dit qu'une eau-forte est une eau-forte. Jacquemort regarde. Il dit c'est une maliette elle a une couleur de suie. Il demande ce que c'est comme maliette. L'animalier dit qu'un poitrail rouge est un poitrail rouge et qu'un œil de lune est un œil de lune. Jacquemort voit des plumes impalbables. L'animalier regarde la maliette trop longtemps. L'animalier dit qu'est-ce que c'est que cette maliette qui rit en me regardant. Il demande qu'est-ce que c'est que cette maliette qui lui tourne le dos. Jacquemort dit ce n'est pas une maliette qui lui tourne le dos c'est une maliette qui meurt. L'animalier enlève son chapeau et dit voici la nuit qui se fait entendre voici le soir qui tombe trop tôt et voici une maliette subtile et tendre. Chouette dit Jacquemort et il donne toute la place au cœur.
Bokar Pastian, Arrache l'est et l'ouest
Hybridation entre Mœurs des maliettes et Musique de table, texte de Zazie mode d'emploi en 2008.
les maliettes
les mœurs des maliettes
l'étude des mœurs des maliettes
la description de l'étude des mœurs des maliettes
le livre de la description de l'étude des mœurs des maliettes
le papier du livre de la description de l'étude des mœurs des maliettes
la couche du papier du livre de la description de l'étude des mœurs
l'illustration de la couche du papier du livre de la description de l'étude
l'eau de l'illustration de la couche du papier du livre de la description
la force de l'eau de l'illustration de la couche du papier du livre
la couleur de la force de l'eau de l'illustration de la couche du papier
l'animalier de la couleur de la force de l'eau de l'illustration de la couche
le burin de l'animalier de la couleur de la force de l'eau de l'illustration
la fertilité du burin de l'animalier de la couleur de la force de l'eau
l'approfondissement de la fertilité du burin de l'animalier de la couleur de la force
la prise de l'approfondissement de la fertilité du burin de l'animalier de la couleur
la suie de la prise de l'approfondissement de la fertilité du burin de l'animalier
le poitrail de la suie de la prise de l'approfondissement de la fertilité du burin
le rouge du poitrail de la suie de la prise de l'approfondissement de la fertilité
l'œil du rouge du poitrail de la suie de la prise de l'approfondissement
la lune de l'œil du rouge du poitrail de la suie de la prise
la souris de la lune de l'œil du rouge du poitrail de la suie
les cris de la souris de la lune de l'œil du rouge du poitrail
la mort des cris de la souris de la lune de l'œil du rouge
les plumes de la mort des cris de la souris de la lune de l'œil
le doigt des plumes de la mort des cris de la souris de la lune
le regard du doigt des plumes de la mort des cris de la souris
le rire du regard du doigt des plumes de la mort des cris
le dos du rire du regard du doigt des plumes de la mort
le détournement du dos du rire du regard du doigt des plumes
le chapeau du détournement du dos du rire du regard du doigt
l'enlèvement du chapeau du détournement du dos du rire du regard
la nuit de l'enlèvement du chapeau du détournement du dos du rire
le soir de la nuit de l'enlèvement du chapeau du détournement du dos
la chute du soir de la nuit de l'enlèvement du chapeau du détournement
la subtilité de la chute du soir de la nuit de l'enlèvement du chapeau
la tendresse de la subtilité de la chute du soir de la nuit de l'enlèvement
le cœur de la tendresse de la subtilité de la chute du soir de la nuit
la place du cœur de la tendresse de la subtilité de la chute du soir
l'intérieur de la place du cœur de la tendresse de la subtilité de la chute
les bêtes de l'intérieur de la place du cœur de la tendresse de la subtilité
les organes des bêtes de l'intérieur de la place du cœur de la tendresse
la banalité des organes des bêtes de l'intérieur de la place du cœur
l'arrachage de la banalité des organes des bêtes de l'intérieur de la place
le chapitre de l'arrachage de la banalité des organes des bêtes de l'intérieur
Pastiche des Compléments de noms de Michèle Métail, dont on peut entendre un extrait lu par l'autrice.
Il raconte us
Aliette et ses us, raisonne Cracnort. Les scrutera-t-on ? Saura-t-on les raconter ? Cela nécessiterait un atlas entier, sur une cartonnette très lisse illustrée à l'encre noire et en couleurs, où un artiste au talent naturaliste laisserait courir ses outils. Aliette, Aliette, connaîtra-t-on tes us sans restriction ? Las, en aucune occasion tu ne te laisses saisir, Aliette couleur suie, au torse rutilant, à l'œil lunaire, au cri ténu où l'on croirait ouïr une souris, Aliette aussitôt tuée si l'on tente une caresse aérienne sur ton être inconsistant, tuée en toutes circonstances, si l'on s'intéresse à toi un instant, si l'on rit à ton entour, si l'on se tourne ailleurs, si l'on reste nu-tête, si la nuit se laisse écouter, si le soir est là très tôt. Aliette insinuante et câline, ton cœur tient en toi tout le territoire où un autre oiseau caserait ses tissus sans intérêt.
Seules les onze lettres les plus fréquentes en français (ESARTINULOC) sont utilisées. Le titre contient une fois chacune des onze lettres.
L'Anomaliette
Tuer des maliettes, c'est pour les mauviettes. Faut observer, surveiller, lontemps, et au moment où, rire. Voilà. Rire en les regardant. Se débrouiller pour que le plumage rétrécisse, rétrécisse jusqu'à se condenser en une tache rouge au milieu du poitrail. C'est tout. Ne pas tourner le dos, ne pas enlever son chapeau, étudier leurs mœurs, agir avec méthode. Jacquemort sait faire ça, et depuis tellement longtemps qu'il ne sait plus quand il a commencé le gros livre. Après, le reste vient tout seul. Jacquemort fait sa vie de l'illustration des maliettes. S'il vous plaît, pas de leçon de dessin. Si on veut discuter précision, il est prêt à répondre imagination. Parce que – et Jacquemort s'excuse – lorsqu'un chercheur du Muséum parle d'œil de lune, de couleur de suie ou de cris de souris, il sait bien qu'il raconte n'importe quoi sur des bêtes inconnues. Théoricien, loin du terrain, air connu. Jacquemort, c'est le contraire. Et de toute façon, il n'a pas à se justifier, il s'en fout. Les maliettes, ce n'est pas une vocation, c'est une disposition. Un cœur subtil et tendre si l'on préfère.
Parodie du début de L'Anomalie, roman d'Hervé Le Tellier.
Miettes des malheurs : pense aux jacquemarts. Qui léser ? diras-tu. Qui saura l'air des cris ? Il faudrait, hein, l'ogre ivre, surcoupé, pas chié, illustre écho fort en douleur dû au butin filaire de nos meilleurs amis laniers. La liette, ma miette, n'approfondit-on que mots, vapeurs ? Mais l'ami Jacques est anti-prune. La miette, coulis de sueur au poids, trouille, rage. À l'une le deuil, aux cris légers de ce Tite pourri. Mariette qui moulez dès qu'on palpe sur vos plumes imposables le doigt, le jus, les plaies ; qui causez pour le moindre amour, lorsqu'on vous retarde trop l'onguent, lorsqu'on tourne le veau doux, lorsqu'on en lèche son pavot, lorsque l'ennui se fait attendre, lorsque le sautoir tombe trop. Miel subtil à étendre, dupe le cœur aux cons. À l'intérieur, la plate soute où les autres Belges otent la banane des orgues.
Coris Vian, L'Arrache-beurre
Accumulation de contrepèteries.
Nicolas Graner, 2025, Licence Art Libre