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Retour vers Le cothurne étroit

Chanson des rues (2024)

En 2024, Zazie mode d'emploi a proposé de jouer avec le texte suivant :

Chanson des rues

    Prenez une rue au hasard
en sortant de chez soi la première est la bonne
    ce n’est pas un effet de l’art
la plus belle à Paris est celle qu’on fredonne.

    Toutes les rues riment ainsi
on en fait des refrains qu’on chante dans les rues
    toutes les rues disent merci
merci d’avoir chanté la ville disparue.

François Caradec, Les Nuages de Paris (Maurice Nadeau, 2007)

Toutes les contributions sont visibles sur le site Zazipo. Les miennes sont également reproduites ci-dessous.


Collation des grues

    Prenez une viande au hasard
en sortant du frigo la première est la bonne
    ce n’est pas un morceau de lard
la plus belle en rôti est celle qu’on mitonne.

    Toutes les grues dînent ainsi
on en met dans du pain qu’on mange dans les rues
    toutes les grues disent merci
merci d’avoir grillé la viande restée crue.

François Qu'a-ras-l'bec


    Prenez une année au hasard
au début des sixties la cinquième est la bonne
    ce n’est pas un mois après mars
le plus court, février, a un beau nom qui sonne.

    Le quinze un bébé naît ainsi
et soixante ans plus tard on chante dans les rues
    tout le monde lui dit merci
merci d'avoir créé tant d'œuvres incongrues.

Hommage à Gilles Esposito-Farèse pour son soixantième anniversaire, le 15 février 2024.


En l'an quarante-deux vivait le grand Jojo
Entre la rue Didot et la rue de Vanves
Sur le bout de sa langue
Il faisait rimer la ville et les mots
Entre la rue de Vanves et la rue Didot

En sortant de chez soi qu'on prenne, un coup de pot,
Au pif la rue Didot ou la rue de Vanves
On était sûr d'entendre
Fredonner un chant, toujours le plus beau
Que ce soit rue de Vanves ou bien rue Didot.

Aujourd'hui on rencontre avant tout des bobos
Entre la rue Didot et la rue de Vanves
Disparu le vieux temps
Merci d'en garder la mémoire au chaud
Disent la rue de Vanves et la rue Didot

Jean-Michel Caradec

D'après Entre la rue Didot et la rue de Vanves, chanson posthume de Georges Brassens (1921-1981). Jean-Michel Caradec (1946-1981) était un chanteur ami de Brassens, j'ignore s'il a un lien de parenté avec François Caradec.


Chanson magique

    Prenez une carte au hasard
sortez-la du paquet ne laissez voir personne
    par un effet de mon grand art
je vous fais le pari de retrouver la bonne.

    Tout le paquet battu ainsi
dans le creux de ma main la carte est apparue
    tout le public est ébahi
bravo d’avoir trouvé la carte disparue.


Pathos tel quel

    Rêve que fuse, chaud, l'amant :
le jobard est très loin, par-derrière est sa corne,
    et le dab du bébé est franc,
pas un père à haïr, cet enflé qu'on éborgne.

    Trouve de quel triple plaisir
ton mec sain te repaît, un choc apte à te tuer.
    Trouve de quel riche désir
ceci rammollit l'âme, à bien t'infatuer.

Galopin Salace

Homovocalisme : chaque mot comprend les mêmes voyelles que le mot correspondant du texte original.


Air des rues

    Va-t'en dans une rue au pif
près de chez toi elle est très bien ne t'en fais pas
    si c'est de l'art il est naïf
la plus bath par chez nous on la cite tout bas.

    La rue d'ici rime à tout coup
on en fait de bons airs qu'on dit fort dans les rues
    la rue dira très bien à tout
très bien de dire l'air dont la cité s'est tue.

Tous les mots ont au plus quatre lettres.


Sportif bien en jambes, chantez les rues de New York ou du vieux Paris engageant à la halte facile, qui vous diront le mot : « merci ! ».

Panscrabblogramme, texte composé avec les 102 lettres d'un jeu de Scrabble français (les jokers remplacent un C et un N).


    Prenez une de nos CHANSONS ;
en sortant nos refrains aux gens, nous les CHASSONS.
    Ce n'est pas nous qui nous CASSONS :
la plus belle fait fuir les minables CASSOS.

    Toutes les fois que tu te CASSES
on en fait une affaire. Il faut que tu te CASES.
    Toutes les fois que tu nous RASES,
merci d'avoir joué de RUSES dans les RUES.

Les premiers mots de chaque vers sont préservés. Les derniers forment un doublet de Carroll fondant de « chansons » à « rues ».


Triolets des rues

Caradec aime le hasard
c'est une chose bien connue
ce n'est pas un effet de l'art
Caradec aime le hasard.
Quand il prend la première rue
elle l'emmène quelque part
c'est une chose bien connue
Caradec aime le hasard.

Cela finit toujours ainsi
un refrain avec quelques rimes
une rue qui lui dit merci
cela finit toujours ainsi.
Les paroles se font intimes
et la ville fredonne aussi
un refrain avec quelques rimes
cela finit toujours ainsi.

D'après Triolets fantaisistes de Charles Cros.


Proclamation des rues

    Collez une affiche au hasard
en sortant de chez soi on la voit en passant
    ce n’est certes pas du grand art
on dirait dans Paris une tache de sang.

    Les résistants meurent ainsi
on en fait un refrain qu’on chante dans les rues
    les résistants disent merci
merci d’avoir chanté la voix des disparus.

Françouis Caragondec

D'après L'Affiche rouge de Louis Aragon, à l'occasion de l'entrée de Missak et Mélinée Manouchian au Panthéon le 21 février 2024.


Blâme du poète

Quinze ans, quinze ans, quinze ans
Après que le poète a disparu
On lit encore sa Chanson des rues
La foule l'arrange et la maltraite
En ignorant le droit d'auteur
Sans égards pour son vieil éditeur
Parfois on change un mot une phrase
Et quand on trouve une bonne idée
On en fait tout un tralala
La la la la la la

Quinze ans, quinze ans, quinze ans
Après que le poète a disparu
On parodie sa Chanson des rues
Un jour peut-être dans quelques mois
Un jour on arrêtera
De se croire les plus malins
Ou avec des dessins
Fera-t-on des huitains moins chiants
Qui plairont aux enfants
Ou quelque part chez Zazipo
Au printemps tournera-t-on sur d'autres mots

Quinze ans, quinze ans, quinze ans
Après que le poète a disparu
On fredonne encore ses rimes dans les rues
On s'empare de sa chanson
Qui rend gai dans la ville triste
L'écriveron
Seul sur la piste
D'une création

Charois Carenet

D'après L'âme des poètes, chanson de Charles Trenet (1913-2001).


    Prenez un champion au hasard
en allant aux oranges la prouesse est bonne
    si ce n’est pas un faux départ
l'échappée à Paris est celle qu’on fredonne.

    Tous les hors-jeux riment ainsi
on s'encorde au mental qui chante dans les rues
    l'adrénaline dit merci
merci le collectif, la ville disparue.

Modifications minimales pour intégrer les dix mots de l'opération Dis-moi dix mots, édition 2024.


Sanson, Desrues
tragi-comédie en un acte et en prose

PERSONNAGES
Charles-Henri Sanson, 38 ans, bourreau.
Antoine-François Desrues, 33 ans, épicier et empoisonneur.

La scène est à la prison du Châtelet, à Paris, le 6 mai 1777.

SANSON : Monsieur, je vous en supplie, prenez la peine de monter dans ma charrette. Quoique la Place de Grève ne soit qu'à une centaine de toises, la rue n'est point sûre. Il ne faudrait pas vous exposer au hasard d'une mauvaise rencontre.

DESRUES : Je n'eusse point été fâché de dégourdir un peu mes jambes en sortant de cette infâme geôle où je croupis depuis quinze jours. Cependant, je suivrai volontiers votre conseil. Nous vivons en un temps où l'on n'est en sûreté que chez soi, et la première rencontre où l'on s'expose est plus souvent la cause d'un malheur que d'une bonne fortune.

SANSON : Ce n’est pas moi qui vous contredirai sur ce point. Bien au contraire, j'ajoute qu'un événement de cette nature aurait pour effet malheureux de me priver de l’occasion d'exercer mon art.

DESRUES : Un art dans lequel on vous reconnaît la plus grande habileté qui se puisse voir. À telle enseigne que, pour qui veut assister à une belle exécution, il n'est nulle ville comparable à Paris. Cette opinion est tout du moins celle qu’on m'a rapportée jusque dans mon cachot, et l'on dit que le menu peuple fredonne des odes à votre gloire.

SANSON : Gardez-vous d'accorder foi à toutes les rumeurs qui vous sont rapportées. Les rues sont pleines de chansonniers qui riment des couplets à tout propos, lesquels sont aussi tôt oubliés que composés. Il en va ainsi de ceux qui naissent après chaque supplice auquel j'ai l'honneur de prêter la main.

DESRUES : Certes, on en a toujours usé de même. De fait, votre gloire ne procède pas tant des refrains qu’on vous dédie, que du peuple qui chante vos louanges. Votre art est tenu en haute estime dans toutes les couches de la société, car la quiétude des rues lui doit beaucoup.

SANSON : Puisque vous le prenez ainsi, je vous invite à partager avec moi toutes les faveurs de la foule. Lorsque nous parcourrons les rues de conserve, vous ouïrez ce que les petites gens disent de vous, et si elles m'incitent davantage à la merci ou à la rigueur.

DESRUES : Je ne désire point votre merci. Il suffira à mon bonheur d’avoir connu un quart d'heure de célébrité. Je serai encore chanté par toute la ville longtemps, longtemps, longtemps après que ma pauvre carcasse sera disparue.

RIDEAU

Chaque réplique contient tous les mots d'un des vers du poème original, dans l'ordre. Notez que l'exécution de l'empoisonneur Antoine-François Desrues par Sanson est un fait historique.


    Prenez quelques rues par hasard
quand vous quittez chez vous les premières sont bonnes
    toutes furent faites sans fard
les plus baths dans Paris les passants les fredonnent.

    Une artère interprète ainsi
elle élabore une ode à une autre avenue
    une artère apprécie aussi
apprécie une urbaine interprète inconnue.

Tous les mots de la première strophe commencent et finissent par une consonne, tous ceux de la deuxième commencent et finissent par une voyelle.


Ritournelle boulevardière

    Choisissez chaussée aléatoirement
Abandonnant domicile conservez première examinée
    Contestez artistique développement
Désignez bellissime parisienne abondamment fredonnée

    Chaussées rimaillent constamment
Refrains composés accompagnent promenade parcourue
    Chaussées remercient sincèrement
Remercient chansons glorifiant métropole disparue

François Caradèque, Cumulonimbus parisiens

Glossaire excluant vocables excessivement étriqués : uniquement octogrammes, nonagrammes, décagrammes, éventuellement davantage.


La chanson que l'on chante dans les rues

    Prenez chaque rue au hasard
en partant devant moi la première est la bonne
    ne cherchez nul effet de l’art
la plus belle à Paris est celle ou l'on fredonne.

    Rythmez toutes vos rues ainsi
nous aurons des refrains à chanter dans les rues
    voyez ces rues disent merci
merci d’avoir chanté la ville disparue.

François Caradec, dans les Nuages de Paris

Tous les vers totalisent 50 points au jeu de Scrabble. Le titre et la signature également.


Gwerz de rue
François Caradeq

    Choisis une rue au hasard
en sortant de chez soi la première est très bonne
    ce n’est pas la vertu de l’art
la plus bath de Paris est celle qu’on fredonne.

    Tout plein de rues riment ainsi
on en fait des refrains qu’on chante dans les rues
    toutes ces rues disent merci
merci vous me chantez la ville disparue

Les vers totalisent alternativement 30 points (pour les octosyllabes) et 60 points (pour les alexandrins) au jeu de Scrabble. Le titre et le nom de l'auteur valent chacun 30 points, donc 60 points à eux deux.


Zizique

    Une de ton quartier, choisis !
Sachons sélectionner hors notre domicile.
    On détaille tes qualités :
qui se distinguera, des diverses venelles ?

    Venez voir, vos voies vocalisent !
Votre voix veut vibrer, trémoler, transporter ?
    Tout trottoir te trouve trop top,
trop top quelques quatrains quêtant quartier quitté.

Quimpérois Quaradec

L'initiale du N-ème mot est aussi celle du nombre N : U pour le mot numéro un, D pour le numéro deux, T pour le numéro trois, etc. Le titre compte pour zéro.


Chanson disant ruelles

    Prenez quelque ruelle obscure
Fuyant votre maison allez quérir entre autres
    Votre plus belle, fine épure
Dans Paris aéré son doux chant sera vôtre.

    Toutes ruelles crient ainsi
Avec ces cris ils font maint beau chant dans les rues
    Ici la rue dira merci
Pour avoir révélé commune disparue.

Caradec François, Cumulus parisien

Montagnes russes : chaque mot compte une lettre de plus ou de moins que le mot précédent.


Prends une rue au hasard — c'est la bonne —
Et fredonne, avec art,
Un refrain de boulevard
Qui te reviendra plus tard.

L'englyn, forme poétique traditionnelle du Pays de Galles, a été adaptée en français par Cédric Landri (voir le dossier de Georges Voisset) sous la forme d'un quatrain de 10/6/7/7 syllabes avec des rimes intérieures dans les deux premiers vers, soit : 7B + 3A / 3A + 3B / 7A / 7A.


Après la ripaille

Caradec, ce poète au sourire si doux,
Fredonnant un couplet qu'il aimait entre tous
Pour son air guilleret et son côté canaille,
En sortant de chez lui par un soir de ripaille
Parcourait une rue au hasard dans la nuit.
Il lui sembla dans l'ombre entendre un faible bruit.
Rassemblant ses esprits il se mit à l'écoute ;
C'était comme un refrain émanant de la route,
Chaleureux, fraternel, ivre plus qu'à moitié,
Et qui disait : « merci ! » d'un ton plein d'amitié.
François, ému, songeait en suivant la ruelle
Qu'à Paris la première est toujours la plus belle.
Et dit : « Viens boire un pot si tu n'es pas pressé. »
Tout à coup, cependant qu'il se tenait baissé
Pour parler aux pavés, une espèce d'aurore
S'esquissa dans le ciel plein d'étoiles encore.
Caradec s'écria : « Qu'il est tard, caramba ! »
Et se mit à goualer quelques airs de rumba.
« Merci d'avoir chanté la ville, fit l'artère.
— Viens tout de même boire un coup », dit le trouvère.

D'après le poème Après la bataille de Victor Hugo, en conservant les mêmes rimes. Publié le 18 juin 2024, jour du centenaire de François Caradec.


Nicolas Graner, 2024, Licence Art Libre