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Retour vers Le cothurne étroit

Je regarde le bistrot (2016)

En 2016, Zazie mode d'emploi a proposé de jouer avec le texte suivant :

je regarde le bistrot il est lumineux clair
comme un smog londonien et sa glauque clarté
nous crève les yeux nous fissure l'esprit et on rampe
là l'un vers l'autre dans nos yeux et nos esprits
pendant que le jour se casse nos lèvres sèches lampent
la musique de nos boissons de tes yeux jolis
comme mer de possibilités là devant nous
l'autre est parti sans laisser de pourboire
et le barman nous fixe nous dit alors vous
ce sera quoi ? Ce sera pour l'instant juste boire
le bleu de tes yeux ton regard ton visage
dans la mer de choses possibles là où on nage

Ian Monk, 14 × 14, l'Âne qui butine, 2014 (extrait du poème À Bourges, p. 36)

Toutes les contributions sont visibles sur le site Zazipo. Les miennes sont également reproduites ci-dessous.


Dans un coin pourri
du pauvre Paris
sur un' place
L'est un vieux bistrot
avec des carreaux
dégueulasses

Les murs vermoulus
que cachent des nu-
ag's de crasse
Semblent éclairés
par une clarté
bien fadasse

On s'est tous les deux
assis afin de
prendre un glass
Et on est restés
longtemps attablés
face à face

Dans les rues d'Paris
comm' dans nos esprits
rien ne passe
Je fixe le bleu
de tes yeux et le
jour se casse

Quand nos lèvres font
d'la musique au fond
de nos tasses
La mer des possi-
bles se vide aussi
marée basse

L'autr' paie l'addition
rien pour le garçon
qu'est pas jouasse
Il voit qu'on est bien
ne demande rien
et s'efface

Dans tes yeux jolis
un grain de folie
se déplace
Dans l'océan bleu
des possibles je
fais la brasse

Ian Monk dans le bistrot de Georges Brassens.


je regarde le café paré de blanc éclatant
je rêve à l'Angleterre et sa clarté blafarde
me crève le regard me fend le crâne et je rampe
là vers elle restée présente dans mes pensées
pendant la débâcle vespérale mes lèvres sèches lampent
le chant grêle de ce verre dans ses regards charmants
des mers de chances restées en attente
elle s'en est allée sans semer de traces
le barman me regarde me demande et elle ce sera
elle ce ne sera pas le temps est passé
ses regards charmants sa chère face
dans la mer des chances échappées je nage

Bivocalisme en A et E, les lettres de l'absence.


Dans l'étrange bistrot à la trouble blancheur
Faiblement éclairé d'une glauque lueur
Je dérive en esprit sur la mer des possibles
Et les yeux mi-fermés je ne suis plus sensible
Qu'à l'étrange lueur de la mer de tes yeux

Récapitul salonien : le dernier vers reprend, dans l'ordre, un mot de chacun des quatre premiers vers (étrange, lueur, mer, yeux).


Le patron du mastroquet, aigri, a dit : « filez mon bakchich ! ». Tes yeux sont à la vie une mer de possibles où je nage un crawl enfiévré.

Panscrabblogramme, texte composé avec les 102 lettres d'un jeu de Scrabble français (les jokers remplacent un C et un N).


regarde le bistrot il est lumineux clair
gare au vent bien corsé fumant un lampion
devant les murs nus du cerveau regard aidé
le bien mûr réunit yeux et bel apanage
biscornue une ardeur hagarde attend son heure
trop séduit heureux si onc vit pétard fier
il fut sérieux assis à table et attendant
aimant vos égards donc tablant sur l'or voilà
lutin rebelle à vie et survenu primaire
mille ans gare à tempête alors nuage ondée
ne pillait pas son art tant voit prions sa peau
clairon des nageurs fiers dans la mer des possibles

Diagonnet. Découpé en syllabes et transcrit phonétiquement, ce poème forme un carré dont les 12 lignes sont identiques aux 12 colonnes, à quelques approximations près. Vous pouvez le vérifier ci-dessous si votre navigateur affiche correctement les caractères Unicode de l'alphabet phonétique international.

ʁəɡaʁbistʁoilɛlymiklɛʁ
ɡaʁovɑ̃bjɛ̃kɔʁsefymɑ̃tɛ̃lɑ̃pijɔ̃
vɑ̃lemyʁnydysɛʁvoʁəɡaʁɛde
bjɛ̃myʁʁeynizebɛlapanaʒ
biskɔʁnyynaʁdœʁaɡaʁdatɑ̃sɔ̃nœʁ
tʁosedyiøʁøsiɔ̃kvipetfjɛʁ
ilfysɛʁasiatableatɑ̃dɑ̃
ɛmɑ̃vozeɡaʁdɔ̃ktablɑ̃syʁlɔʁvwala
lytɛ̃ʁəbɛlaviesyʁnypʁimɛʁ
milɑ̃ɡaʁatɑ̃pɛtalɔʁnyɔ̃de
pijɛpasɔ̃ntɑ̃vwapʁiɔ̃sapo
klɛʁɔ̃denaʒœʁfjɛʁdɑ̃lamɛʁdesibl

Zazie morte d'effroi

je regarde le bistrot il est lumineux clair
le corps de l'homme étendu en travers de la porte
nous crève les yeux nous fissure l'esprit et on rampe
sous les tables à la recherche d'une improbable issue
pendant que le jour se casse nos lèvres sèches lampent
nos dernières gouttes de salive au goût de sang
comme mer de possibilités là devant nous
des coups de feu des cris des sirènes se mêlent
et le barman nous fixe nous dit alors vous
pouvez sortir maintenant c'est terminé
le bleu de tes yeux ton regard ton visage
c'est terminé aussi à tout jamais

D'après Ian Monk, 13/11, in L'Ankoù butine, 2015.

En référence aux tueries à la terrasse de plusieurs bistrots parisiens le 13 novembre 2015. Un vers sur deux du texte original est conservé.


Nicolas Graner, 2016, Licence Art Libre