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Retour vers Le cothurne étroit

Commentaire de
Confrontations

En bref.

Différentes réponses à une même « textée ».

Mais encore...

La textée est un jeu inventé par Jacques Jouet et fréquemment pratiqué dans l'émission Des Papous dans la tête. Le meneur de jeu (le « texteur ») dicte un texte aux autres joueurs, mais au lieu de leur lire le texte comme dans une vraie dictée, il le décrit phrase par phrase en donnant des indications plus ou moins précises sur le sens, et parfois la forme, de chaque phrase. Les joueurs doivent écrire un texte respectant ces indications, qui peut s'avérer très différent du texte de départ.

Le jeu est d'autant plus amusant que le texteur choisit des façons astucieuses ou détournées de décrire le texte, et que les joueurs font preuve de créativité dans les limites imposées par la textée.

La page Confrontations regroupe les textes écrits par différents auteurs en réponse à une textée que j'ai proposée à la liste Oulipo. Le texte d'origine se trouve dans la section Références et la textée était la suivante :

Il s'agit d'un texte en prose alternant des phrases narratives et des dialogues au style direct. Il met en scène deux protagonistes que j'ai appelés A et B, de sexe non précisé (même si j'emploie le pronom « il » par commodité).

  1. La première phrase révèle les noms des deux protagonistes, plusieurs gestes effectués par A et quelques mots qu'il ne prononce pas.
  2. B prononce, lui, quelques mots sous la forme d'un ordre bref dont il n'est pas sûr qu'il souhaite réellement l'exécution.
  3. A exhibe un objet aux usages multiples dont il s'est muni.
  4. B manifeste bruyamment son approbation.
  5. A effectue trois actions, ou plutôt trois variantes de la même action, dont l'effet est de modifier profondément la relation entre les deux protagonistes, ce qu'il constate ensuite en une phrase sobre.
  6. Contrairement à toute attente, B se comporte exactement comme si ce changement n'avait pas eu lieu.
  7. A révèle à B une information que celui-ci ne lui a aucunement demandée et qui, de l'aveu même de A, a toutes les chances de s'avérer parfaitement inutile.
  8. B réagit par quelques mimiques puis articule un ordre bref, auquel A réplique par un ordre encore plus bref.
  9. B doute manifestement des capacités de sa mémoire, ce qui conduit à quelques répliques répétitives.
  10. B accomplit une série de gestes qui impliquent toutes les parties de son corps tandis que A reste pratiquement immobile.
  11. B donne encore un ordre bref à A en l'assortissant d'une courte justification. Il ne semble pas avoir pleinement conscience de ce qu'il dit.
  12. A réplique à nouveau par un ordre tout aussi bref.
  13. En exécutant cet ordre, B met un terme à l'entretien.

Références.

Les Misérables (1862)
Tome V, livre premier, chapitre XIX : Jean Valjean se venge (extrait)
Victor Hugo

  1. Jean Valjean mit le pistolet sous son bras, et fixa sur Javert un regard qui n'avait pas besoin de paroles pour dire : – Javert, c'est moi.
  2. Javert répondit :
    – Prends ta revanche.
  3. Jean Valjean tira de son gousset un couteau, et l'ouvrit.
  4. – Un surin ! s'écria Javert. Tu as raison. Cela te convient mieux.
  5. Jean Valjean coupa la martingale que Javert avait au cou, puis il coupa les cordes qu'il avait aux poignets, puis, se baissant, il coupa la ficelle qu'il avait aux pieds ; et, se redressant, il lui dit :
    – Vous êtes libre.
  6. Javert n'était pas facile à étonner. Cependant, tout maître qu'il était de lui, il ne put se soustraire à une commotion. Il resta béant et immobile.
  7. Jean Valjean poursuivit :
    – Je ne crois pas que je sorte d'ici. Pourtant, si, par hasard, j'en sortais, je demeure, sous le nom de Fauchelevent, rue de l'Homme-Armé, numéro sept.
  8. Javert eut un froncement de tige qui lui entrouvrit un coin de la bouche, et il murmura entre ses dents :
    – Prends garde.
    – Allez, dit Jean Valjean.
  9. Javert reprit :
    – Tu as dit Fauchelevent, rue de l'Homme-Armé ?
    – Numéro sept.
    Javert répéta à demi-voix : – Numéro sept.
  10. Il reboutonna sa redingote, remit de la roideur militaire entre ses deux épaules, fit demi-tour, croisa les bras en soutenant son menton dans une de ses mains, et se mit à marcher dans la direction des halles. Jean Valjean le suivait des yeux. Après quelques pas, Javert se retourna, et cria à Jean Valjean :
  11. – Vous m'ennuyez. Tuez-moi plutôt.
    Javert ne s'apercevait pas lui-même qu'il ne tutoyait plus Jean Valjean :
  12. – Allez-vous-en, dit Jean Valjean.
  13. Javert s'éloigna à pas lents. Un moment après, il tourna l'angle de la rue des Prêcheurs.

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Nicolas Graner, 2013, Licence Art Libre