Mais encore...
Le 2 juillet 2013, Robert Rapilly a proposé à la
liste oulipo cette nouvelle forme
contrainte :
PROSODISTIOTIE, subst. fém. d'après prosodie, distique & sotie.
Fable express qui cerne un tour prosodique en deux alexandrins.
Le distique respectera la contrainte que désigne son calembour,
lequel ne tolèrera aucune parenté étymologique avec l'original.
Il s'agit donc d'une double contrainte : le distique doit
respecter une règle formelle ou illustrer une figure de rhétorique
(que RR appelle « tour prosodique ») et en même temps introduire un
calembour sur le nom de cette règle. L'inventeur en citait plusieurs
exemples dans son message, que l'on peut
retrouver
sur son blogue : acrostiche, cylindre, haïkaï,
homophonie, isocélisme, lipogramme, monovocalisme,
palindrome et contrainte du prisonnier.
La page
Deux vers devins
montre mes réponses, qui illustrent quelques règles supplémentaires puis
élargissent le principe en l'appliquant à d'autres objets que des
contraintes formelles ou des figures de style.
Dans le même esprit, Noël Bernard a élégamment illustré
les sept péchés capitaux
et Gilles Esposito-Farèse a élaboré un magistral
pangramme
auto-descriptif.
Au cas où les calembours ne vous auraient pas suffi à identifier les
contraintes décrites par chaque distique, voici quelques explications
supplémentaires :
- Anaphore (Anna fore)
- Une anaphore est la répétition d'un mot ou groupe de mots en tête de plusieurs phrases ou membres de phrases successifs.
- Kyrielle (Qui rit ? Elle)
- Chaque groupe de mots commence par la syllabe qui termine le groupe précédent, comme dans le fameux « j'en ai marre, marabout, bout de ficelle... »
- Monosyllabes (Mon eau scie l'arbre)
- Tous les mots ont une seule syllabe.
- Homéotéleute (Roméo, t'es pleutre !)
- Un homéotéleute est la répétition d'un même son à la fin de mots ou de groupes de mots successifs.
- Montagnes russes (Montague ruse)
- Chaque mot compte une lettre de plus ou de moins que le mot précédent. Ce distique est bien sûr une réponse au précédent (Montague est le nom de famille de Roméo dans la pièce Roméo et Juliette).
- Contrepèteries (Con trop pétri)
- Chaque vers se termine par une contrepèterie de forme classique (échange de consonnes initiales).
- Centon (Sentons !)
- Ces quatre vers sont tirés respectivement de
Le renard et la cigogne
de Jean de la Fontaine (1621-1695),
Laurence endormie
de Patrice de La Tour du Pin (1911-1975),
La vie antérieure
de Charles Baudelaire (1821-1867)
et Cyrano de Bergerac
d'Edmond Rostand (1868-1918). Ce centon a obtenu une dérogation
exceptionnelle pour être un quatrain plutôt qu'un distique.
- Césure classique (C'est sûr que là, sikh)
- La sixième syllabe de chaque vers est masculine (sans e muet) et marque la fin d'un mot. Cette « césure masculine » est l'une des deux formes autorisées dans la prosodie française classique.
- Césure féminine (C'est sûr, fait minime)
- La sixième syllabe de chaque vers est suivie d'une syllabe féminine qui termine un mot. Cette dernière n'est pas comptée car le mot suivant commence par une voyelle. Il s'agit de l'autre type de césure autorisé par la prosodie française classique.
- Césure épique (C'est sûr, elle pique)
- La sixième syllabe de chaque vers est suivie d'une syllabe féminine qui termine un mot. Cette dernière ne doit pas être comptée, bien que le mot suivant commence par une consonne. Cette césure, courante au Moyen-Âge, a été interdite à l'époque classique.
- Césure lyrique (« C'est sûr » lit Rick)
- La sixième syllabe de chaque vers est une syllabe féminine qui termine un mot. Elle ne devrait normalement pas être accentuée mais se trouve accentuée à cause de cette position en fin d'hémistiche. Cette situation est interdite en prosodie classique.
- Césure enjambante (C'est sûr, anges en bande)
- La sixième syllabe de chaque vers est suivie d'une syllabe féminine qui termine un mot, qui doit être comptée car le mot suivant commence par une consonne. De ce fait il n'y a pas réellement de césure, puisque la sixième et la septième syllabes appartiennent au même mot. Cette situation est interdite en prosodie classique.
Les huit mots de ce distique désignent différentes sortes
d'anges.
- Tautologie (Tôt au logis)
- Proposition qui est nécessairement vraie, de par sa forme même.
- Contradiction (Contre-addiction)
- Contraposée (Contrat posé)
- La contraposée d'une proposition de la forme « quand P est vrai, Q est vrai » est la proposition « quand Q est faux, P est faux ». D'un point de vue logique une proposition et sa contraposée sont équivalentes.
- Syllogisme (S'y loge isthme)
- Un syllogisme est un raisonnement qui vise, à partir de deux propositions, à en déduire une troisième. Ce syllogisme-ci n'est pas concluant : à partir des propositions « quand P est vrai, Q est vrai » et « P est faux », on ne peut pas conclure « Q est faux ».
- Charade (Chat rade)
- Devinette (Deux vits nets)
- Rébus (Raie bus)