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Retour vers Le cothurne étroit

Commentaire de
Un gascon nasillard

En bref.

Réécriture sous forme de lipogramme en E de la « tirade des nez » de Cyrano de Bergerac.

Mais encore...

Un gascon nasillard est un exercice classique de réécriture d'un texte sous forme de lipogramme en E, en l'occurrence un texte en vers : la célèbre « tirade des nez » du Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand, rappelée dans la section Références.

Le dernier mot du texte, la Disparition, est une allusion au roman de Georges Perec (voir l'introduction aux lipogrammes), allusion éclairée par la référence à l'Oulipo deux vers plus haut.

Le titre, Un gascon nasillard, est à la fois un lipogramme et un calembour : un nasillard est quelqu'un qui « parle du nez », et c'est bien de cela que parle Cyrano dans cette tirade. Ce calembour est d'ailleurs utilisé par Rostand lui-même plus loin dans la pièce (acte II, scène IX) :

Deux nasillards par lui furent exterminés
Parce qu'il lui déplut qu'ils parlassent du nez !

diplôme de lieutenant dans la compagnie des cadets de Gascogne, délivré à Nicolas Graner le 6 juin 2023 pour service rendu à la mémoire d'Edmond Rostand

Références.

Cyrano de Bergerac
(Edmond Rostand)
Acte I – scène 4.

CYRANO

[...]  Ah ! non ! c'est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire... Oh ! Dieu !... bien des choses en somme...
En variant le ton, — par exemple, tenez :
Agressif : « Moi, monsieur, si j'avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l'amputasse ! »
Amical : « Mais il doit tremper dans votre tasse :
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! »
Descriptif : « C'est un roc !... c'est un pic !... c'est un cap !
Que dis-je, c'est un cap ?... C'est une péninsule ! »
Curieux : « De quoi sert cette oblongue capsule ?
D'écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ? »
Gracieux : « Aimez-vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ? »
Truculent : « Ça, monsieur, lorsque vous pétunez,
La vapeur du tabac vous sort-elle du nez
Sans qu'un voisin ne crie au feu de cheminée ? »
Prévenant : « Gardez-vous, votre tête entraînée
Par ce poids, de tomber en avant sur le sol ! »
Tendre : « Faites-lui faire un petit parasol
De peur que sa couleur au soleil ne se fane ! »
Pédant : « L'animal seul, monsieur, qu'Aristophane
Appelle Hippocampelephantocamélos
Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d'os ! »
Cavalier : « Quoi, l'ami, ce croc est à la mode ?
Pour pendre son chapeau, c'est vraiment très commode ! »
Emphatique : « Aucun vent ne peut, nez magistral,
T'enrhumer tout entier, excepté le mistral ! »
Dramatique : « C'est la Mer Rouge quand il saigne ! »
Admiratif : « Pour un parfumeur, quelle enseigne ! »
Lyrique : « Est-ce une conque, êtes-vous un triton ? »
Naïf : « Ce monument, quand le visite-t-on ? »
Respectueux : « Souffrez, monsieur, qu'on vous salue,
C'est là ce qui s'appelle avoir pignon sur rue ! »
Campagnard : « Hé, ardé ! C'est-y un nez ? Nanain !
C'est queuqu'navet géant ou ben queuqu'melon nain ! »
Militaire : « Pointez contre cavalerie ! »
Pratique : « Voulez-vous le mettre en loterie ?
Assurément, monsieur, ce sera le gros lot ! »
Enfin parodiant Pyrame en un sanglot :
« Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître
A détruit l'harmonie ! Il en rougit, le traître ! »


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Nicolas Graner, 1998, Licence Art Libre