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Retour vers Le cothurne étroit

Commentaire de
Pensées profondes

En bref.

Un poème irrationnel d'après les chiffres de √2.

Mais encore...

En 1963, Jacques Bens a défini le sonnet irrationnel comme un poème de cinq strophes dont le nombre de vers correspond aux premiers chiffres du nombre irrationnel π : 3,1415. On en trouvera deux exemples de mon cru dans la section Références.

Le poème Pensées profondes reprend cette idée en s'appuyant sur un autre nombre irrationnel, la racine carrée de 2. Les premiers chiffres de ce nombre, en s'arrêtant juste avant le premier 0, sont : √2 = 1,414213562373 ; les strophes comptent donc respectivement 1 vers, 4 vers, 1 vers, 4 vers, 2 vers, etc.

Le nombre total de vers se trouve être égal à 42. Comme ce nombre joue un rôle crucial dans la trilogie en cinq volumes Le Guide du voyageur galactique, le poème est une référence à cette œuvre majeure de la science-fiction loufoque.

Références.

On me dit parfois fils d'Archimède le Grec.
Malgré tout le respect que je dois à ce mec,
Deux mille ans avant lui j'étais connu des scribes.

Je fascine toujours les sages et les fous.

Dans les siècles suivants on m'a connu par bribes
Mais mon portrait complet fut toujours un échec.
Les plus fameux savants s'y sont cassé le bec,
À moins d'user de tours que la rigueur prohibe.

Je fascine toujours les sages et les fous

Jusque vers dix-neuf cents j'ai bien tenu le coup
Puis les ordinateurs m'en ont mis plein la gueule,
Même si eux non plus ne sauront jamais tout.
À l'heure d'Internet je suis pris comme vous :
Personne n'en connaît plus sur moi que Google.


Je ne crois jamais rien dont je n'ai pas la preuve.
Pour que je fasse mienne une doctrine neuve
Il faut un argument absolument certain.

Le cœur a des raisons que je ne veux pas suivre.

J'écrase du mépris de mon regard hautain
Ces gens qui prêtent foi, pour peu qu'il les émeuve,
Au premier orateur sans le mettre à l'épreuve
Et gobent goulûment son joli baratin.

Le cœur a des raisons que je ne veux pas suivre.

Par un travail constant mon cerveau se délivre
De ces biais cognitifs que j'ai lus dans un livre.
Je me tiens éloigné de tout sensationnel.
Et pourtant je sens bien, les soirs où je m'enivre,
Qu'il reste encore en moi un brin d'irrationnel.

Ces deux sonnets irrationnels ont des strophes de 3, 1, 4, 1 et 5 vers. Ils respectent le principe de Roubaud selon lequel « un texte suivant une contrainte parle de cette contrainte ». Le premier donne la parole au nombre π qui résume l'histoire du calcul de ses chiffres. Le deuxième évoque la pensée rationnelle, ou rationalité, qui n'a qu'un lointain rapport avec la notion de nombre rationnel.


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Nicolas Graner, 2021, Licence Art Libre