En bref.
Pour désigner chaque amateur de contrainte on a
inventé un mot (généralement en
-phile) qui respecte cette contrainte.
Mais encore...
- lipophil : amateur de lipogrammes.
- Un lipogramme est un texte d'où
l'on exclut une lettre, souvent le E. Un amateur de
lipogrammes est un « lipophile », que l'on peut lui aussi priver
de son E final.
- elihphile : amateur de palindromes.
- Un palindrome est un mot ou une
phrase dont les lettres sont les mêmes quand on les parcourt
de gauche à droite ou de droite à gauche. Le plus
petit palindrome possible qui se termine par la syllabe « -phile » est
naturellement « elihphile ».
- alIHdopHIle : amateur d'ambigrammes.
- Un ambigramme reste inchangé
quand on le lit la tête en bas. Pour écrire un mot sous
forme d'ambigramme on est souvent obligé de déformer
ses lettres ; par chance, les lettres P, H, I, L et E sont
toutes utilisables telles quelles dans un ambigramme, à
condition de jouer sur les majuscules et minuscules, et d'utiliser
une police de caractères où un e retourné
devient un a. Moyennant cette précaution, le mot
« alIHdopHIle » reste invariant quand on le retourne.
- oh, l'or y file ! : amateur d'holorimes.
- Des vers holorimes sont des vers qui riment d'un bout à
l'autre, c'est-à-dire qui se prononcent de la même
façon tout en étant composés de mots
différents, comme le célèbre :
« Gall, amant de la reine, alla, tour magnanime,
Galamment de l'arène à la Tour Magne,
à Nîmes. »
de Marc Monnier (1829-1885). Si l'on admet qu'un amateur d'holorimes
est un « holoriphile », on peut faire (holo)rimer ce mot avec la
phrase « oh, l'or y file ».
- alphaïen : amateur d'anagrammes.
- Une anagramme est un mot composé des mêmes lettres
qu'un autre mot placées dans un ordre différent, par
exemple « niche » est une anagramme de « chien ». Un amateur
d'anagrammes pourrait s'appeler un « anaphile », mais en
réarrangeant les lettres de ce mot on en fait un
« alphaïen ».
- philtrepétocon : amateur de contrepèteries.
- La contrepèterie est « l'art de décaler les sons que
notre bouche débite » pour obtenir une phrase ayant un sens
différent, généralement grivois. C'est ainsi
qu'une femme « folle de la messe » devient par contrepèterie
« molle de la fesse ». Un amateur de contrepèteries que l'on
qualifierait de « contrepétophile » penserait certainement
à échanger la première et la dernière
syllabe de ce mot pour en faire un « philtrepétocon », mot qui
pourra lui suggérer des interprétations imagées.
- fervent-des-revenentes : amateur de monovocalismes.
- Un monovocalisme n'utilise qu'une
seule voyelle, à l'instar du roman Les
Revenentes de G. Perec qui ne contient que des
E. Cette contrainte interdit à ses amateurs
d'être désignés par un mot en
« -phile », on les nomme donc par
référence à ce classique du genre.
- bilettrismephile : amateur de bivocalismes.
- Dans un bivocalisme on n'utilise que
deux voyelles parmi les cinq (ou six) existantes. Pour
désigner ses amateurs par un mot en « -phile » on doit bien
sûr choisir les voyelles E et I. Le mot
« bilettrismephile », s'il n'est pas très
précis puisqu'il désigne un amateur de textes à
deux lettres sans préciser qu'il s'agit de deux voyelles,
présente en revanche l'intérêt d'être un
bivocalisme alterné.
- vocauphile : amateur de panvocalismes.
- Un amateur de voyelles est un « vocophile ». Mais s'il les
aime au point de vouloir les utiliser toutes dans un seul mot en
réalisant un panvocalisme, il
lui suffira de changer un O en AU pour devenir un
« vocauphile » satisfait – du moins s'il accepte de ne pas
compter l'Y parmi les voyelles.
- tapez-ce-vieux-whisky-au-juge-moribond-qui-file : amateur de pangrammes.
- Un pangramme contient toutes les
lettres de l'alphabet. Le plus célèbre est sans doute
« portez ce vieux whisky au juge blond qui fume », qui a la
particularité que chaque consonne y apparaît une fois
et une seule. Pour désigner ses amateurs par un mot en
« -phile » en le perturbant le moins possible, on a choisi une finale
en « -file », mais pour préserver l'unicité des
consonnes il a fallu modifier légèrement d'autres
mots.
- cruciphile : amateur de mots croisés.
- Un amateur de mots croisés s'appelle habituellement un
« cruciverbiste ». On invente ici le mot
« cruciphile » pour mieux l'intégrer parmi les autres,
et on l'écrit en deux parties se croisant comme des mots dans
une grille.
- amoureux des vers isocèles : amateur de vers isocèles.
- Les vers isocèles contiennent
tous le même nombre de caractères. Les amateurs de vers
isocèles sont souvent obligés de modifier
légèrement le sens de ce qu'ils veulent dire pour le
faire entrer dans ce cadre rigide, comme ici en remplaçant le
mot « amateur » par « amoureux » qui possède une lettre de plus.
- ce-mot-contient-trois-p-deux-h-cinq-i-deux-l-sept-e-phile : amateur de phrases auto-descriptives.
- Une phrase auto-descriptive donne une description de son propre
contenu, comme par exemple « cette phrase contient cinq mots » ou
« cette phrase se compose de vingt-trois voyelles et trente-huit
consonnes ». Le cas extrême est celui du pangramme auto-descriptif qui
énumère toutes ses lettres. Pour désigner ses
amateurs, on s'est contenté d'un mot qui décompte les
lettres formant le suffixe « -phile ».
- philophile : amateur d'auto-références.
- Un mot ou une phrase est auto-référent s'il parle de
lui-même, directement ou indirectement. Le mot « philophile »,
qui peut signifier aussi bien « qui aime les amateurs » que « qui aime
les mots en "-phile" », est donc indirectement
auto-référent.
- philophilophilophile : amateur de récursions.
- En informatique, on appelle « programme récursif » un programme
qui, pour résoudre un problème, commence par
s'invoquer lui-même pour résoudre un problème
plus simple ou plus petit, en recommençant si
nécessaire. De façon analogue, pour interpréter
le mot « philophilophilophile », on y reconnaît le suffixe
« -phile », d'où la signification : « amateur de
philophilophile ». On est alors ramené à
interpréter ce mot plus court, en appliquant à nouveau
le même procédé.
- cacoludophile meldois : amateur de mauvais jeux de Meaux.
- Un « cacoludophile » (d'après le grec « kakos »,
mauvais, le latin « ludus », jeu, et « phile ») est un amateur
de mauvais jeux. S'il est meldois, c'est qu'il vient de Meaux,
sous-préfecture de la Seine-et-Marne (France). C'est donc un
amateur de mauvais jeux de Meaux, ce qui constitue bien sûr
un très mauvais jeu de mots.
Nicolas Graner, 1998, Licence Art Libre